Avis scientifique 2018/048

Évaluation du débit minimal requis pour le poisson et l’habitat du poisson dans la rivière Saskatchewan en aval de la station hydroélectrique E.B Campbell

Sommaire

• Le régime de débit naturel du réseau hydrographique de la rivière Saskatchewan est fortement touché par les effets cumulatifs de plusieurs réservoirs (le lac Diefenbaker, le lac Abraham et le réservoir Brazeau), l’extraction d’eau à des fins agricoles en Alberta et en Saskatchewan et la dérivation d’eau vers les rivières Milk et Qu’Appelle. La gestion de l’eau en amont a un impact direct sur sa disponibilité pour la station hydroélectrique E.B. Campbell (EBC) et sur son réservoir, le lac Tobin, ce qui fait qu’il est plus difficile d’isoler les effets directs de l’installation de lâché d’eau lié à la demande d’EBC sur le poisson qui se trouve en aval.
• Il serait préférable pour le poisson et l’habitat du poisson que le poisson puisse retourner à l’hydrographie naturelle sans avoir à franchir d’obstacles. Cependant, puisque la EBC va rester opérationnelle, les avis scientifiques sont axés sur les débits instantanés minimaux et les taux de variation du débit et présentent une série de mesures d’atténuation possibles pour réduire les risques pour le poisson et l’habitat du poisson.
• L’utilisation de pourcentages de débit entrant plutôt que de valeurs absolues de débits instantanés minimaux comme critères d’écoulement en aval pourrait s’avérer plus efficace pour maintenir les profils temporels et saisonniers de l’hydrographie naturelle.
• Il est recommandé que le débit minimal en aval d’EBC ne soit jamais inférieur à 95 % de dépassement du débit naturel selon l’historique des débits entre 1912 et 1963.
• Pendant les périodes d’importance biologique 2 et 3 (c.-à-d. du 30 avril au 24 juillet), des débits minimums plus élevés aideront à protéger les périodes de frai de la plupart des espèces de la rivière Saskatchewan. L’augmentation des débits minimaux entraînera une réduction des limites de variation du débit, et donc une diminution du potentiel de lâché d’eau lié à la demande de pointe. Cette réduction des lâchés d’eau liés à la demande de pointe améliorera probablement l’incubation des œufs et la dérive des larves au cours des périodes d’importance biologique 2 et 3, tout en réduisant le risque d’échouement pendant toutes les périodes d’importance biologique.
• L’esturgeon jaune (Acipenser fulvescens) est une espèce importante sur le plan culturel. Il est actuellement désigné comme espèce en voie de disparition en vertu du COSEPAC et est à l’étude pour faire partie des espèces protégées par la Loi sur les espèces en péril. Pour protéger le recrutement de l’esturgeon jaune, des valeurs absolues de débit minimum instantané de plus de 700 m³· s-1, des débits quotidiens moyens de plus de 800 m³· s-1 (pas un pourcentage) et une réduction des débits de pointe quotidiens pendant les deux semaines de la période de frai (deux premières semaines de la période d’importance biologique) sont recommandés. Étant donné la longévité de l’esturgeon jaune, un recrutement réussi n’est pas nécessaire chaque année pour maintenir une structure de population durable. Les débits instantanés minimaux mentionnés ci-dessus ne sont donc pas nécessaires chaque année, mais au cours des années ou de tels débits sont possibles, ceux-ci ils doivent coïncider avec les périodes de frai de l’esturgeon jaune.
• Les lâchés d’eau liés à la demande de pointe entraînent des variations de débit beaucoup plus importantes que celles qui se produisent naturellement en une journée. Avec les règles de débit de pointe et de débit minimal actuelles, des poissons s’échouent tous les jours en aval d’EBC. La diminution rapide du débit entraînée par les lâchés d’eau liés à la demande de pointe augmente les risques d’échouage du poisson près du barrage (figure 2). Les débits inférieurs à 500 m³· s-1 entraînent les plus grandes variations de superficie utilisable pondérée. Les procédures de diminution graduelle du débit (commençant à 500 m³· s-1) sur une période de temps prolongée sont recommandées pour atténuer l’échouage du poisson. Il faudrait entreprendre des recherches scientifiques et effectuer une surveillance pour orienter l’élaboration de stratégies visant à réduire le risque d’échouage.
• Les débits supérieurs à 1 000 m³· s-1 suscitent des inondations et une connectivité supplémentaires dans le delta de la rivière Saskatchewan, ainsi que le potentiel d’augmenter la productivité des pêches. Il ne faut donc pas éviter ces débits élevés en stockant de l’eau dans les réservoirs qui se trouvent en amont.
• Le lac Diefenbaker, le réservoir Codette et le lac Tobin agissent comme des pièges à sédiments, ce qui entraîne un appauvrissement en sédiments en aval d’EBC et, finalement, dans le delta de la rivière Saskatchewan. Cet appauvrissement en sédiments entraîne le pavage et l’encaissement du lit de la rivière ainsi que le perchement des affluents et des chenaux latéraux (p. ex. Old Channel). La quantité et la qualité de l’eau (y compris les nutriments) doivent donc être prises en considération pour le poisson et l’habitat du poisson. Des mesures d’atténuation pourraient être envisagées pour permettre le renouvellement des sédiments.
• Le stockage d’eau le long de la rivière Saskatchewan fait en sorte que la température de l’eau ne suit plus son régime thermique naturel. Peu de données relatives à la température étaient disponibles dans le cadre de cet examen. Cependant, les prises d’eau des turbines d’EBC libèrent des eaux superficielles et non des eaux froides provenant du fond du réservoir. La température de l’eau ne varie donc pas beaucoup en amont et en aval de la station.
• Le concept de période d’importance biologique a été élaboré pendant un atelier tenu en 2005 à Prince Albert, Saskatchewan, avec un groupe d’experts utilisant la méthode Delphi. Quoique le concept de périodes d’importance biologique soit considéré comme acceptable, on pourrait étudier davantage la possibilité de modifier ces périodes en effectuant un lien entre la date où elles débutent et la température mesurée de l’eau.
• Aucun renseignement sur la couverture de glace à la surface, la dynamique de la glace, le frasil et la formation de glace de fond n’a été passé en revue, ce qui est considéré comme une lacune relative aux données. De plus, un nombre considérable d’incertitudes a été soulevé en raison du manque de surveillance du réseau hydrographique de la rivière Saskatchewan et d’études de terrain sur le sujet.
• Un modèle holistique de gestion de l’eau et des sédiments du réseau hydrographique de la rivière Saskatchewan est nécessaire pour protéger l’importance écologique du delta de la rivière Saskatchewan.
• Il est recommandé de mieux consigner les connaissances écologiques traditionnelles afin d’obtenir de précieux renseignements sur le poisson et l’habitat du poisson dans le delta de la rivière Saskatchewan.

Le présent avis scientifique découle de l’examen par les pairs régional du 9 au 10 mai 2018 de l’Évaluation du débit minimal requis pour le poisson et l’habitat du poisson dans la rivière Saskatchewan sous la station hydroélectrique E.B. Campbell. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, dans le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada.

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