Sélection de la langue

Recherche

Des bélugas en cavale en Gaspésie

béluga

L'été, on n'observe habituellement pas de bélugas le long des côtes gaspésiennes. Entre le 5 juillet et le 15 août 2011, le Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins a pourtant recueilli des signalements en totalisant au moins 8. Deux de ces bélugas ont développé des comportements sociaux envers les humains, ce qui a demandé une vigilance particulière et une intervention auprès du public.

Habituellement très sociaux, les jeunes bélugas loin de leur population développent souvent un intérêt démesuré pour les humains : quais, bouées, embarcations, baigneurs, tous ces « objets » peuvent retenir leur attention et entrainer des comportements de curiosité ou une volonté d'interagir. Le problème : si les humains réciproquent, cela encourage ces comportements au risque de dénaturer les bélugas, réduisant leurs chances de retrouver leur territoire, leur groupe et leurs habitudes de vie normales. Les bélugas deviennent aussi plus à risque pour les collisions avec les bateaux, ayant perdu leur vigilance à l'égard de ces « objets ». Pour plusieurs bélugas signalés dans les provinces Atlantique et même jusque sur la côte Est des Etats-Unis, le périple s'est mal terminé et l'animal a été sérieusement blessé ou tué. Aucun n'est revenu dans son aire normale, soit l'estuaire du Saint-Laurent.

Le « duo gaspésien » de l'été 2011 a d'abord été repéré à Barachois, près de Percé, le 17 juillet. C'est là que son intérêt pour les baigneurs et les kayakistes s'est développé. Quelques jours plus tard, ils étaient aux abords de la plage Haldimand à Gaspé, devenant encore plus hardis envers les humains. Ils ont ainsi parcouru la côte de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent pendant un mois, s'arrêtant dans plusieurs villages et se faisant remarquer par leurs comportements curieux et parfois audacieux, s'approchant des bateaux, mordillant des cordages, nageant avec des baigneurs.

Plusieurs membres du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins, en particulier les agents de Pêches et Océans Canada en collaboration avec des agents de la Sûreté du Québec, des gardes de parcs de Parcs Canada ou même des employés municipaux, se sont efforcés de sensibiliser le public aux comportements à adopter en présence de ces bélugas sociaux : rester à distance, les observer préférablement depuis la rive, ne pas chercher à les attirer, les nourrir ou « jouer » avec eux. Ils informaient également le public que toucher, nourrir ou approcher un béluga sont des comportements illégaux, l'espèce étant protégée par des lois canadiennes visant les mammifères marins et les espèces en péril. Ces efforts de sensibilisation ont été complétés par les contacts téléphoniques des préposés du Centre d'appels du Réseau avec les témoins et des messages diffusés dans les médias par le Réseau.

L'histoire de ces bélugas curieux sera fascinante à suivre : après un passage remarqué dans la marina de Rimouski le 17 août, ils ont été aperçus à Sainte-Luce et par la suite, plus de nouvelles pendant près d'un mois. L'équipe du Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM), qui étudie les bélugas du Saint-Laurent et conseillait les intervenants pour le suivi et la protection de ces deux animaux, espérait que ceux-ci avaient finalement renoué avec les leurs et développeraient dorénavant des liens sociaux plus appropriés. Coup de théâtre le 14 septembre : l'équipe du GREMM, au travail au large de Trois-Pistoles, reconnaît l'un des deux bélugas du « duo gaspésien » dans un groupe d'une trentaine de juvéniles. Cet animal porte des marques d'origine naturelle qui permettront de le reconnaître au fil des saisons, comme les quelque 350 bélugas du Saint-Laurent figurant dans l'album de famille du GREMM. En effet, les marques naturelles permettent de reconnaître et identifier individuellement environ 30% des bélugas du Saint-Laurent.

Résidant à l'année dans le Saint-Laurent, le béluga est remarquable et facilement identifiable. Il mesure de 3 à 5 m de long et ne possède pas d'aileron dorsal. Les adultes sont d'un blanc immaculé alors que le nouveau-né est gris ou brun foncé, pâlissant d'année en année jusqu'à l'âge adulte, vers 15 ans.

Le Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins existe grâce à l'implication de 15 organisations privées et gouvernementales, y compris Pêches et Océans Canada. Il a pour mandat d'organiser, de coordonner et de mettre en œuvre des mesures visant à réduire les mortalités accidentelles de mammifères marins, à secourir des mammifères marins en difficulté et à favoriser l'acquisition de connaissances auprès des animaux morts dans les eaux du Saint-Laurent limitrophes du Québec. Le Réseau reçoit et traite en moyenne 350 appels par année en provenance du public.

Rédigé par le Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM), septembre 2011

Date de modification :