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Approche fondée sur le risque du déplacement de poissons vivants en application de l’article 56 du Règlement de pêche (dispositions générales)

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Assurer la gestion durable des ressources aquatiques canadiennes demande une structure réglementaire solide et un ensemble de politiques qui orientent la prise de décision. Le 10 décembre 2018, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a présenté une nouvelle vision de l’aquaculture au Canada et annoncé la mise en œuvre d’une approche de gestion par zone en complément au cadre décisionnel fondé sur le risque de l’aquaculture. Ensemble, ces outils feront en sorte que l’approche de précaution guide la prise de décision du Ministère et que l’industrie demeure durable sur le plan de l’environnement.

C’est dans ce contexte que Pêches et Océans Canada a mis au point un processus décisionnel amélioré pour orienter les décisions de délivrance de permis pour déplacer des poissons vivants aux termes de l’article 56 du Règlement de pêche (dispositions générales). Cette nouvelle approche, exposée dans le présent document, s’inscrira dans le cadre provisoire de la gestion des risques liés à l’aquaculture. Ce cadre est influencé par les meilleures évaluations et analyses scientifiques des risques disponibles et intègre des approches de gestion du risque pour afin d’éviter et/ou atténuer les risques à l’environnement.

Le MPO, lors de sa prise de décision, adopte son approche de précaution à de nombreuses étapes de l’approche de gestion du risque. Pour évaluer les risques, il importe de comprendre l’ampleur des effets de l’activité sur le poisson et son habitat et les incertitudes associées à l’évaluation de ces effets. Caractériser l’effet de l’incertitude sur l’évaluation globale et, plus précisément, si elle entraînera la surestimation ou la sous-estimation de l’évaluation est essentiel : plus l’incertitude est grande, plus il y a de mesures contre le risque qui sont mises en œuvre et d’efforts qui sont déployés pour augmenter la certitude. Il est également important de tenir compte des conditions environnementales locales, de l’état des populations de poissons locales et de leurs habitats, et de la manière dont ces deux éléments interagissent avec les opérations aquacoles. De cette manière, une approche par zone reconnaît qu’une bonne gestion du risque peut demander des mesures d’atténuation supplémentaires dans les endroits où des conditions spécifiques au lieu géographique ou au niveau de population justifient un examen approfondi.

La nouvelle approche de l’aquaculture du Ministère signifie que nous sommes en recherche constante des meilleures connaissances scientifiques et pratiques de gestion de l’aquaculture disponibles afin d’améliorer de façon significative la façon dont nous réglementons l’industrie, dans le but de répondre à la demande mondiale de nos produits comestibles aquacoles, et ce, tout en nous assurant que nos écosystèmes aquatiques sont en santé et que les populations de poissons sont protégées. Atteindre ces objectifs nécessite une collaboration étroite avec des Canadiens aux champs d’intérêt diversifiés : nous travaillons avec les provinces, les territoires, des partenaires fédéraux, les peuples autochtones, des groupes environnementaux, l’industrie et des membres du public pour arriver à prendre des décisions éclairées.

1 Introduction

Le présent document est une vue d’ensemble de l’approche provisoire de Pêches et Océans Canada (MPO) en ce qui a trait à la délivrance de permis aux termes de l’article 56 du Règlement de pêche (dispositions générales) [le Règlement]. L’approche est présentée comme une description dirigée et globale de la manière dont les recommandations seront élaborées pour les autorisations ministérielles de transfert ou de libération de poissons vivants (selon les définitions de la Loi sur les pêches) aux termes de l’article 56 du Règlement.Le processus est conforme à l’ébauche du cadre de gestion des risques liés à l’aquaculture (CGRA), qui définit la manière et le moment d’utiliser l’approche de précaution. Ce processus est également conçu être conforme au cadre pour la pêche durable, à la Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique (la Politique concernant le saumon sauvage) et les responsabilités législatives de la gestion des écosystèmes aquatiques et des pêches, y compris l’aquaculture.

Avant de délivrer un permis pour transférer ou libérer des poissons vivants, le ministre doit être satisfait que les trois conditions préalables énoncées à l’article 56 du Règlement sont respectées. Si la libération ou le transfert proposé (le déplacement) ne satisfait pas aux conditions énoncées aux paragraphes 56a), b) ou c) du Règlement, le ministre ne peut pas délivrer le permis.

Selon l’article 56, le ministre peut délivrer un permis autorisant le transfert de poissons vivants dans le cas où :

  1. la libération ou le transfert des poissons est en accord avec une gestion et contrôle approprié des pêches;
  2. les poissons sont exempts de maladies et d’agents pathogènes qui pourraient nuire à la protection et à la conservation des espèces;
  3. la libération ou le transfert ne risque pas d’avoir un effet néfaste sur la taille des stocks de poissons ou sur les caractéristiques génétiques du poisson ou des stocks de poisson.

L’objectif de gestion, dans le contexte de la prise de décisions concernant le déplacement de poissons vivants aux termes de l’article 56 du Règlement, consiste à éviter et/ou à atténuer les effets sur le poisson et l’habitat du poisson.

Au moment de prendre une décision, il importe de tenir compte des conditions environnementales locales, de l’état des populations locales, de l’ampleur et de l’intensité des mouvements de poissons, ainsi que des effets prévus sur les habitats, en particulier ceux qui assurent des fonctions particulières pour les populations de poissons (c.-à-d. les aires de croissance, les frayères, les zones fourragères, etc.). Les objectifs de gestion spécifiques dans une zone locale peuvent refléter les considérations biologiques, environnementales, économiques, culturelles et sociales de cette zone.

Le Ministère gérera les décisions concernant l’autorisation de déplacer des poissons aux termes de l’article 56 du Règlement au moyen du processus établi dans le CGRA, lequel définit ledit processus structuré que le Ministère utilisera pour formuler des recommandations et des décisions liées à la gestion de l’aquaculture. Ce processus est conforme au cadre pour la pêche durable (CPD). Le CGRA est le cadre général pour les futures politiques et outils liés à la gestion de l’aquaculture fondée sur la science, conformément au mandat législatif du MPO. Le CPD établit le fondement d’une approche de précaution et écosystémique de la gestion des pêches au Canada, et la base d’une gestion des pêches canadiennes qui appuie la conservation et l’utilisation durable des ressources halieutiquesNote de bas de page 1. Le CGRA et les politiques connexes tiendront compte, dans la mesure du possible, d’un langage, d’approches et de principes semblables à ceux du CPD et les intégreront, tout en tenant compte de la conservation et de l’utilisation durable des écosystèmes.

Brièvement, le CGRA décrit les étapes à suivre pour prendre des décisions de gestion fondées sur des données scientifiques, ce qui permet de prendre des décisions plus transparentes et étoffées. Les étapes en question sont les suivantes :

  1. Définir les objectifs des activités;
  2. Identification des enjeux;
  3. Production d’avis scientifiques et d’évaluations scientifiques des risques. Cela comprend la caractérisation des incertitudes;
  4. Analyser les risques. Cela tient compte des aspects scientifiques, sociaux et économiques, tel qu’ils sont indiqués dans les règlements, les lois et les autres objectifs du Ministère;
  5. Gestion des risques. Cela comprend l’examen et l’évaluation des mesures d’atténuation des risques, l’approche de précaution et la détermination finale des risques après l’application de l’atténuation des risques;
  6. Surveillance et évaluation. Cela comprend la surveillance environnementale et de la conformité, la vérification et la production de rapports réglementaires. Les renseignements obtenus dans l’exécution de ces activités seront utilisés pour éclairer les décisions futures, évaluer l’efficacité des activités d’atténuation des risques et soutenir la gestion adaptative.

Étant donné la complexité des écosystèmes, il y aura toujours une certaine incertitude liée à la prévision des probabilités et de l’impact des activités. La caractérisation du type et degré d’incertitudes et de leur manière d’influer sur l’évaluation est vitale pour la sélection du moment et de l’endroit où appliquer des mesures de précaution. Certaines incertitudes peuvent être réduites au moyen de collectes de données ou de recherches supplémentaires. Cela dit, d’autres incertitudes dans l’évaluation proviennent de la variabilité naturelle. L’incidence prévue des incertitudes et des hypothèses connexes sur l’estimation du risque est fait partie de l’analyse générale des risques et des activités de gestion du risque.

Le Ministère intègre l’approche de précaution dans son approche de gestion à la prise de décisions en matière de pêches et d’aquaculture en appuyant l’utilisation économique des ressources, tout en veillant à ce que les risques potentiels pour les milieux aquatiques soient gérés de manière à protéger le poisson et son habitat. Les décisions de gestion sont prise avec prudence lorsque l’information scientifique est incertaine, peu fiable ou incomplète. Le processus décisionnel établi dans le présent document, y compris l’utilisation d’évaluations scientifiques structurées des risques, fait en sorte que toutes les décisions relatives au déplacement de poissons vivants aux termes de l’article 56 du Règlement reflètent cette approche. Les mesures de précaution sont appliquées pendant l’étape de gestion du risque, comme il est décrit dans le CGRA, une fois la caractérisation du risque global terminée. Pour qu’elles soient efficaces, les mesures de précaution choisies doivent réduire la probabilité ou les conséquences des effets anticipés. Ces mesures peuvent aussi être appliquées s’il est raisonnable de penser qu’elles réduiront l’incertitude liée à la probabilité ou à l’impact de l’effet anticipé.

De plus, les mesures de précaution doivent être adaptées au risque et à l’importance de l’incertitude dans la sous-estimation ou la surestimation potentielle du risque. Par conséquent, plus le risque est faible, quelle que soit l’incertitude, moins les mesures de précaution requises seront importantes par rapport à un risque élevé. Les mesures de précaution les plus efficaces devraient permettre de réduire le risque global estimé pour la population ou l’environnement cible. De plus amples détails sur l’application de l’approche de précaution par le MPO se trouvent dans le document Gestion de l’aquaculture et application de l’approche de précaution par Pêches et Océans Canada. Les recommandations et les décisions qui en découlent incorporeront les nouvelles information, afin d’appuyer une approche de gestion adaptive. Ces renseignements peuvent comprendre les résultats de contrôles environnementaux, les vérifications, les avis scientifiques évalués par les pairs, les mises à jour sur l’état des regroupements préoccupants et les connaissances locales et/ou autochtones.

Au Canada, chaque fois que le MPO prend une décision relative à la délivrance de permis pour le déplacement de poissons lié aux activités aquacoles et à la libération de poissons dans la nature, de nombreuses considérations en terme de politiques publiques et d’éléments d’avis scientifiques sont examinés. Les discussions avec les autres ministères et organismes fédéraux et provinciaux, de même que la mobilisation et la consultation des peuples autochtones et les interactions avec l’industrie et les intervenants éclairent la prise de décisions de manière continuelle.

2 Application

L’approche provisoire s’appliquera à tous les cas et à toutes les compétences pour lesquels des permis sont délivrés aux termes de l’article 56 du Règlement. Cela comprend la libération ou le transfert (le déplacement) de poissons vivants comme le définit la Loi sur les pêches, peu importe la raison du déplacement.

3 Évaluation et gestion du risque lié à l’article 56 du Règlement

Afin que l’article 56 du Règlement soit entièrement évalué, les décisions relatives aux déplacements doivent tenir compte explicitement de l’éventuelle introduction ou transmission d’une maladie infectieuse, de la probabilité que les poissons présents dans le milieu récepteur soient exposés à un agent pathogène infectieux et de toute interaction génétique potentielle.

L’avis au ministre visant à délivrer un permis aux termes de l’article 56 pour libérer ou transférer des poissons doit être appuyé par des évaluations scientifiques des risques qui respectent le processus structuré décrit dans le Cadre d’évaluation des risques environnementaux dans le domaine de l’aquaculture. Ce cadre, qui est conforme aux normes nationales et internationales en matière d’évaluation du risque, a fait l’objet d’examens scientifiques par des pairs par l’entremise du processus d’avis scientifique du Secrétariat canadien de consultation scientifique (2007; 2019 a, b, c, d, e), plus précisément pour évaluer les risques liés au débordement d’agents pathogènes issus de fermes de saumon de l’Atlantique dans le milieu marin. Ces examens par les pairs ont validé le cadre et contribuent à la fiabilité scientifique du processus séquentiel d’évaluation de la probabilité et des conséquences (ou les répercussions) du rejet potentiel d’agents de maladies endémiques issus de l’aquaculture.

Dans le cadre du processus d’évaluation du risque, on évalue de façon systématique la probabilité que des poissons sauvages vulnérables présents dans le milieu récepteur soient exposés, et on évalue la conséquence potentielle d’une telle exposition. Ce processus tient compte de l’application de toute mesure d’atténuation qui constitue une pratique courante avant la remise en liberté ou le transfert.

L’estimation du risque est le produit de la probabilité que l’événement se produise, que l’on évalue à la lumière des répercussions ou de la conséquence de cet événement. On l’illustre par une matrice du risque en deux dimensions. Les matrices de risques reflètent la tolérance au risque du Ministère. L’analyse scientifique est ensuite mise en parallèle avec une classification de ces répercussions potentielles, dont le risque est évalué comme étant faible, modéré ou élevé, en tenant compte de cette tolérance, et pour évaluation au terme de l’article 56 du Règlement. Il arrive que certaines zones soient plus résilientes que d’autres face aux répercussions potentielles. Cela est en partie lié à l’état de l’ensemble des poissons sauvages étant évalué.

On évalue le niveau des répercussions en ce qui a trait à la population reproductrice des espèces faisant l’objet d’un examen. Le niveau des répercussions – ou la conséquence – correspond à ce qui a déjà été utilisé lors des évaluations scientifiques révisées par les pairs réalisées antérieurement. Il est classé comme suit :

La terminologie est plus relative qu’absolue. Ces catégories sont plutôt conservatrices si on les compare à celles d’autres tolérances au risque utilisées pour la gestion des pêches que le Ministère prend en compte (Un cadre décisionnel pour les pêches intégrant l’approche de précaution — annexe 2B).

Lorsqu’il y a des incertitudes et que des hypothèses sont requises, l’évaluation part du principe que l’événement s’est produit. Des scenarios évaluant la sensibilité de l’évaluation pour différentes hypothèses sont aussi fournis. Lorsqu’il y a déjà suffisamment de données, on utilise cette sensibilité. Par exemple, il existe une grande variété naturelle sur le plan des trajectoires migratoires que le saumon rouge du fleuve Fraser peut emprunter dans la région des îles Discovery, y compris pour ce qui est des passages où il n’y a pas de sites aquacoles. Toutefois, comme on ne connaît pas la proportion de la population qui est réellement exposée à une ou plusieurs fermes pour une année donnée, on présuppose que la population est exposée en entier, et ce, même si cela fait en sorte que la probabilité ou la conséquence globale est plus importante qu’en réalité.

L’évaluation doit porter sur les regroupements d’espèces vulnérables que l’on sait présents dans le milieu récepteur. Elle tient compte de l’état biologique de ces regroupements de poisson sauvage. La détermination de l’état biologique doit se faire de la même façon que dans le Cadre décisionnel pour les pêches intégrant l’approche de précaution et le Cadre pour la pêche durable (CPD). Lorsque des évaluations formelles de l’état biologique ont déjà été réalisées, elles sont mises en application. Par exemple, on se sert de l’état biologique de ces regroupements, tel qu’il est déterminé dans l’évaluation de l’état biologique intégré ayant été réalisée conformément à la Politique concernant le saumon sauvage ou par l’intermédiaire des processus de gestion des pêches du MPO déjà établis conformément au CPD, lequel définit que l’état du stock est critique (ce sont les considérations relatives à la conservation qui priment), que le stock se situe dans la zone de prudence (il doit y avoir un équilibre entre les considérations socio-économiques et les considérations en matière de conservation) et que le stock est en santé (ce sont les considérations socio-économiques qui priment). D’autres renseignements peuvent être obtenus au moyen des processus entrepris conformément à la Loi sur les espèces en péril et auprès du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).

3.1 Évaluation du risque réalisée aux termes de l’alinéa 56b) du Règlement

L’évaluation menée aux termes de l’alinéa 56b) du Règlement porte sur la détection et l’atténuation des maladies infectieuses et des agents pathogènes présents dans la population source de poissons qui doivent être libérés ou transférés. La présence ou l’absence d’un agent de maladies infectieuses donné n’est que l’un des éléments de la santé du poisson étudiés par le Ministère. Dans le cadre du processus d’évaluation, le Ministère se penche également sur les pratiques de biosécurité, les registres sur la mortalité de l’installation d’origine, l’historique de vaccination du poisson, les signes cliniques de la maladie et l’historique de l’état de santé à l’installation d’origine et dans le milieu récepteur. Pour les régions coadministrées avec des gouvernements provinciaux ou territoriaux, ces renseignements doivent être obtenus auprès des vétérinaires de la province ou du territoire en question.

Tous les organismes portent en eux une communauté d’organismes vivants, notamment des microbes infectieux ou non infectieux. Toutefois, la maladie se développe ou non en fonction d’interactions entre divers facteur liés à l’hôte, le milieu et le microbe. Par conséquent, les outils et les seuils qui réduisent le risque qu’une maladie se développe au sein d’un groupe de poissons devant être transférés devraient également permettre de réduire la probabilité que les poissons présents dans le milieu récepteur soient exposés à l’agent de maladies infectieuses issu du transfert.

Le processus d’évaluation est structuré de manière à pouvoir déplacer les poissons vivants pour lesquels il n’y a pas de risque de propager un agent de maladies infectieuses donné dans le milieu récepteur. Si l’agent y est déjà présent, les propriétés infectieuses de l’agent, la nature du milieu récepteur (conditions environnementales), ainsi que la densité, la proximité et le temps d’exposition des hôtes réceptifs sont tous pris en compte lorsqu’on évalue la probabilité qu’une maladie se propage (flambée épidémique) au moment où un poisson est libéré ou transféré.

Si l’on ne s’attend pas à ce qu’une maladie infectieuse présente ou un agent pathogène présent dans une population de poissons devant être libérés ou transférés se propage au sein de cette dernière, l’agent ou la maladie en question ne devrait pas se propager au sein des espèces vulnérables présentes dans le milieu récepteur de manière importante. Si l’on détecte, dans le milieu récepteur, la présence de regroupement de poissons préoccupants, on évalue alors les répercussions qu’une maladie ou un agent de maladies aurait sur ceux-ci.

L’évaluation de la probabilité qu’une infection se propage est guidée par des facteurs tels que le moment et l’endroit où l’on s’attend à ce que l’ensemble de poissons sauvages vulnérables soit présent dans le milieu récepteur au sein duquel l’on propose de libérer ou de transférer le poisson, et la durée prévue de sa présence. De plus, les conditions environnementales, la période d’incubation de l’agent de maladie infectieuse ainsi que la dynamique de la maladie au sein de la population de poissons vulnérables ont toutes une incidence sur la probabilité qu’une infection se propage. Lorsqu’on évalue la conséquence ou les répercussions, on examine l’effet que l’infection aurait sur les espèces de poissons sauvages vulnérables en termes de données scientifiques, la proportion du regroupement de poissons vulnérables qui devrait être infectés et développer une maladie clinique, l’effet de la maladie infectieuse au sein de la population de poissons vulnérables, la dynamique de l’agent de maladie infectieuse sur le plan infectieux, le stade de développement au moment de l’exposition et la possibilité qu’il y ait des effets négatifs sur la population de poissons.

3.2 Évaluation du risque réalisée aux termes de l’alinéa 56c) du Règlement

3.2.1 Évaluation du risque que les agents pathogènes se propagent et gagnent en intensité (ou évaluation du risque posé par le transfert de l’agent pathogène)

Selon l’alinéa 56c) du Règlement, on doit évaluer les conséquences graduelles que des agents pathogènes auraient s’ils se propageaient et gagnaient en intensité. Les renseignements et le processus d’analyse utilisés pour ces évaluations du risque doivent être basés sur les évaluations du risque posé par le transfert d’agents pathogènes ayant été réalisées par le passé (Mimeault et al. 2017, 2019 a-e). Ils doivent également englober des renseignements détaillés sur les déplacements, comme de l’information sur la prévalence de l’infection au sein du stock devant être transféré et des données historiques sur l’occurrence des maladies infectieuses au sein du milieu récepteur.

3.2.2 Évaluation du risque posé par les interactions génétiques

Dans le cadre des évaluations du risque posé par les interactions génétiques, on évalue la probabilité qu’il y ait croisement entre un poisson introduit et un poisson sauvage d’une même espèce (congénères), et les effets qu’aurait un tel croisement. L’évaluation porte sur la probabilité que des poissons d’élevage ne soient pas retenus et sur la probabilité que ces poissons d’élevage libérés soient présents et se reproduisent avec des poissons sauvages de la même espèce. Dans le cadre de l’évaluation de la conséquence ou de l’incidence, on évalue les effets qu’un croisement aurait sur la protection et la conservation de stocks de poissons sauvages congénères.

Par exemple, l’introduction de poissons d’écloserie de manière contrôlée aux fins de rétablissement de la population sauvage (ensemencement ou augmentation des effectifs) peut avoir des bienfaits sur le plan de l’abondance du stock, par un croisement avec des congénères sauvages, tandis que le croisement entre des poissons issus d’écloseries de production axées sur la récolte et des congénères sauvages est considéré comme néfaste pour ces derniers. De même, l’élevage de poissons d’élevage libérés présents dans les milieux naturels et leur croisement avec des congénères sauvages ont généralement un effet néfaste sur le maintien et le rétablissement des populations sauvages.

L’évaluation du risque posé par les interactions génétiques entre des poissons d’élevage libérés ou des poissons d’écloserie libérés qui peuvent interagir avec des agrégats de congénères sauvages nécessite un examen des taux actuels et antérieurs des échappées de poissons des piscicultures ou des poissons d’écloserie errants autour du site et des alentours. Elle nécessite également l’examen du niveau de production actuel des poissons d’élevage ou d’écloserie des environs, la proximité de sites d’introduction donnant accès à des cours d’eau d’origine de congénères sauvages et le statut de ces derniers. De plus, la variation sur le plan des caractéristiques du cycle biologique des espèces ensemencées et des espèces sauvages peut aider à améliorer encore davantage les estimations du risque.

3.3 Tolérance au risque lié à l’article 56 du Règlement

La tolérance au risque est classée selon les niveaux de risque faible, moyen ou élevé. La délimitation entre ces niveaux suit les principes de la matrice des risques, à savoir qu’il y a une progression des niveaux de risque, qui vont de faible, en passant par moyen, jusqu’à élevé. Cela comprend également les renseignements sur l’état du stock de poissons sauvages et l’application de la précaution.

L’ampleur et la gravité des incidences potentielles (conséquences) et la probabilité de ces incidences sont inscrites dans une matrice des risques, ce qui donne un pointage nominal direct d’un risque comme faible (vert), moyen (jaune) ou élevé (rouge).

Différentes matrices de risques ont été utilisées pour évaluer les demandes de déplacement de poissons en application de l’article 56 du Règlement afin d’examiner précisément l’état biologique des agrégats dans le milieu récepteur. Un exemple bien documenté serait, dans le cas des agrégats qui peuvent officiellement être déterminés comme ayant un état biologique (ce qui comprendrait les populations en péril populations), la tolérance au risque affiche les zones à faible risque dans la matrice des risques ne sont désignées que pour les incidences aux conséquences négligeables ou celles qui sont extrêmement improbables. Pour les agrégats qui ont un statut officiel d’évaluation de l’état biologique dans les limites de la zone de prudence, les zones à faible risque comprennent d’autres combinaisons de probabilités et de conséquences. Dans le cas des agrégats pour lesquels les données sont insuffisantes afin de réaliser une évaluation de l’état biologique, l’évaluation indiquera si l’abondance est supérieure, inférieure ou fidèle à la moyenne, et si la tendance est à la hausse, à la baisse ou stable.

La résilience d’un agrégat est liée à son état, et donc cela éclaire la tolérance au risque. La tolérance au risque décline lorsque l’état de l’agrégat passe de sain à critique; la zone dans la matrice représentant le risque élevé (rouge) augmente et la zone représentant le risque faible (vert) diminue. À l’inverse, l’état de l’agrégat passe de critique à sain; la zone dans la matrice représentant le risque élevé (rouge) diminue et la zone représentant le risque faible (vert) augmente. Les matrices suivantes illustrent ce qui précède en l’appliquant aux déplacements de poisson, rendant compte de l’état des agrégats.

Figure 1 : La matrice des risques différentielle

  1. représente les niveaux de la tolérance au risque pour les agrégats qui sont en péril ou, dans le cadre pour la pêche durable (CPD), qui sont associés aux zones « critiques »;
  2. représente la tolérance au risque pour les agrégats qui sont associés aux zones de « prudence » du CPD;
  3. représente les niveaux de tolérance au risque pour les agrégats associés aux zones « saines » du CPD.

a) Matrice des risques pour les agrégats des « zones critiques ».

a) Matrice des risques pour les agrégats des « zones critiques ». Conséquences sur l’agrégat
Probabilité Négligeable Mineure Modérée Majeure Grave Extrême
Extrêmement probable Faible Moyen Élevé Élevé Élevé Élevé
Très probable Faible Moyen Élevé Élevé Élevé Élevé
Probable Faible Moyen Élevé Élevé Élevé Élevé
Peu probable Faible Moyen Élevé Élevé Élevé Élevé
Très improbable Faible Moyen Moyen Moyen Moyen Moyen
Extrêmement improbable Faible Faible Faible Faible Faible Faible

b) Matrice des risques pour les agrégats des « zones de prudence »

b) Matrice des risques pour les agrégats des « zones de prudence ». Conséquences sur l’agrégat
Probabilité Négligeable Mineure Moderate Major Severe Extreme
Extrêmement probable Faible Moyen Moyen Élevé Élevé Élevé
Très probable Faible Moyen Moyen Élevé Élevé Élevé
Probable Faible Faible Moyen Moyen Élevé Élevé
Peu probable Faible Faible Moyen Moyen Moyen Moyen
Très improbable Faible Faible Faible Faible Moyen Moyen
Extrêmement improbable Faible Faible Faible Faible Faible Faible

c) Matrice des risques pour les agrégats des « zones saines »

c) Matrice des risques pour les agrégats des « zones saines ». Conséquences sur l’agrégat
Probabilité Négligeable Mineure Moderate Major Severe Extreme
Extrêmement probable Faible Moyen Moyen Moyen Élevé Élevé
Très probable Faible Moyen Moyen Moyen Moyen Élevé
Probable Faible Faible Faible Moyen Moyen Moyen
Peu probable Faible Faible Faible Faible Moyen Moyen
Très improbable Faible Faible Faible Faible Faible Faible
Extrêmement improbable Faible Faible Faible Faible Faible Faible

3.4 Gestion du risque

À la suite de l’estimation scientifique du risque, une analyse de risques globale prend en considération le risque estimé pour la conservation et la protection des espèces vulnérables relevées dans un milieu récepteur visé par une migration proposée compte tenu des autres considérations aux termes du paragraphe 56a) du Règlement.

La gestion du risque se penche alors sur la question de savoir si les mesures d’atténuation vont dans les faits diminuer le risque. Elle examine également l’ampleur et les effets de l’incertitude scientifique à déterminer de façon définitive le risque (ou le risque résiduel) et à appliquer les mesures de précaution. En plus des mesures d’atténuation, les décisions de gestion liées au risque peuvent inclure une surveillance accrue, la détermination des priorités en recherche ou le renforcement de la vérification afin de fournir des données supplémentaires et ainsi orienter les décisions à venir, dans le cadre d’une approche de gestion adaptative.

En tenant compte de tous ces facteurs, lorsque le risque résiduel est évalué comme :

  1. « faible », l’avis donné au ministre ou à son représentant sur l’autorisation de la migration établira que les conditions préalables énoncées aux alinéas 56b) et c) du Règlement sont respectées.
  2. « moyen », l’avis établira, selon l’analyse de l’ensemble de la preuve concernant la décision particulière, les mesures de gestion adaptative disponibles et l’incertitude à l’égard de la preuve, que les conditions préalables énoncées aux alinéas 56b) et c) du Règlement sont ou ne sont peut-être pas respectées. Cette détermination devrait également être orientée par les lignes directrices de Pêches et Océans Canada sur l’interprétation et l’application de l’article 56 du Règlement de pêche (dispositions générales), et le Ministère devrait demander des conseils auprès du ministère de la Justice, au besoin.
  3. « élevé », l’avis établira que les conditions préalables énoncées aux alinéas 56b) et c) du Règlement ne sont pas respectées.

4 Évaluation globale et gestion des risques en application de l’article 56 du Règlement

Des règlements et des politiques connexes régissant la migration de poissons sauvages sont en place pour contrôler et gérer les risques associés à toute incidence potentielle sur les populations de poissons sauvages. Les avis scientifiques relatifs aux alinéas 56b) et c) du Règlement sont intégrés à l’analyse des risques, qui comprend également des renseignements sur l’état biologique des populations de stocks sauvages.

En ce qui concerne l’alinéa 56a) du Règlement, le ministre doit être convaincu que la migration proposée serait conforme à une gestion et à une surveillance adéquate des pêches. Cela pourrait exiger la prise en compte des répercussions sociales et économiques qui résulteraient de la migration proposée. Toutefois, l’alinéa 56b) n’exige pas que le ministre réévalue les points que Pêches et Océans Canada a déjà prises en considération, y compris ceux étudiés par le ministère lors de la délivrance des permis d’aquaculture. Par ailleurs, la « gestion et la surveillance des pêches » pourraient également inclure toute préoccupation de conservation qui n’est pas précisément abordée dans les alinéas 56b) et c) du Règlement. Par conséquent, il est recommandé de tenir compte du fait qu’une migration proposée présente des risques pour la conservation des poissons autres que ceux visés aux alinéas 56b) et c), comme les répercussions sur l’habitat du poisson.

D’autres sources de renseignements, comme les connaissances écologiques autochtones et locales, pourraient également servir à éclairer les recommandations présentées au décideur (le ministre ou son représentant).

Les mesures de gestion du risque, en particulier celles qui peuvent apporter des renseignements pour les décisions à venir, comme la surveillance continue, la recherche ciblée ou une meilleure production de rapports, appuient les approches de gestion adaptative et peuvent faire partie de l’ensemble des recommandations présentées au ministère ou à son représentant.

Dans l’ensemble, l’élaboration des recommandations relatives à l’article 56 du Règlement comprend l’évaluation des risques, la comparaison des tolérances aux risques et l’application de la gestion des risques, le tout s’harmonisant avec l’approche de précaution.

Annexe 1 : Définitions

Agrégats
Terme qui désigne le regroupement au niveau de la population d’une seule espèce de poissons pour une zone géographique donnée et à une échelle qui convient à la prise de décision. La résolution des groupes d’agrégats variera en fonction des données disponibles.
Signe clinique
Une phase du continuum de la maladie qui reflète des changements anatomiques, physiologiques ou comportementaux suffisants pour produire des signes flagrants de la maladie. (adapté des conditions de permis pour les poissons de mer du Règlement sur l’aquaculture dans le Pacifique).
Maladie
Une anomalie de la structure ou de la fonction qui entraîne un compromis caractéristique mesurable sur le rendement physiologique, structurel ou comportemental et qui n’est pas la conséquence d’une blessure physique. (traduction - adapté du dictionnaire Oxford).
Agent pathogène
Un agent infectieux qui cause ou contribue à l’apparition d’une maladie.
Agent infectieux
Un microbe capable de s’établir puis de se multiplier ou de se développer à l’intérieur d’un hôte ou sur celui-ci.
Microbe
Un organisme microscopique. Les microbes les plus courants sont les bactéries, les champignons, les protozoaires et les virus.
Prévalence
La proportion de la population ou de l’agrégat infecté par un agent pathogène.
Seuil de propagation
La prévalence d’un agent de maladie infectieuse au-delà duquel cet agent se répand à la grandeur d’un agrégat du niveau des populations (traduction - adapté du dictionnaire Oxford et des CDC Principles of Epidemiology).
Milieu récepteur
L’emplacement géographique de destination pour le poisson dont la migration est envisagée. Dans le cas de l’aquaculture, il s’agit des environs des installations d’aquaculture aux fins d’empoissonnement. À des fins d’empoissonnement ou d’amélioration, il s’agit de la zone du lac, de la rivière, du littoral ou du large où les stocks de poissons migreront ou habiteront.
Espèce vulnérable
Une espèce qui peut susceptible d’être infectée par un agent infectieux particulier à un stade du cycle biologique.

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