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Rapport du Comité consultatif ministériel

Examen externe de la politique ministérielle du « dernier entré, premier sorti » de la pêche à la crevette nordique de Pêches et Océans

Le rapport constitue l’avis du Comité consultatif ministériel au ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne. Le comité consultatif ministériel est un comité indépendant. Il ne reflète pas nécessairement les points de vue ou les opinions du Gouvernement du Canada et ne lie pas le Ministre.

Le

Table des matières


Lettre au ministre

Monsieur le Ministre,

Le Comité consultatif ministériel (CCM) constitué pour donner un avis sur la politique du « dernier entré, premier sorti » (DEPS) relative à la pêche à la crevette nordique a terminé son rapport final, que vous trouverez ci-joint. Ce rapport contient nos observations et des recommandations consensuelles, conformément à notre tâche et à notre mandat.

Le comité s’est efforcé de bien comprendre les questions importantes liées à la politique du « dernier entré, premier sorti » et de suivre un processus public inclusif, ouvert et exhaustif. Dans le présent rapport, nous décrivons la méthode adoptée pour recueillir les commentaires du public, méthode que nous avons voulue transparente et solide, qui a commencé avec l’obtention de diverses opinions dans le cadre de consultations préalables sur la manière de mobiliser les membres du public, a été suivie de l’organisation de réunions publiques ainsi que des visites des sites dans le Canada atlantique et au Nunavut. Dans le cadre de notre travail, nous avons pris des bateaux côtiers et hauturiers, nous avons fait le tour des usines de transformation de la crevette, des entrepôts frigorifiques et des bâtiments de transbordement et avons rencontré de nombreuses personnes de tous les secteurs et aux intérêts divers.

Nos réunions ont attiré plus de 1000 participants, nous avons entendu plus de 100 exposés et reçu 41 observations écrites. Notre comité a été frappé par l’importance de cette question pour toutes les parties concernées et par les efforts réfléchis et respectueux de nombre d’entre elles pour faire part de leur point de vue au comité. Les exposés étaient souvent passionnés, les membres de notre comité se sont fait expliquer les différents impacts et les avantages des différents secteurs et leur importance pour les personnes, les organismes, les collectivités et les gouvernements du Canada atlantique, du Québec et du Nunavut.

Nous avions été prévenus que notre tâche serait difficile, et force est d’admettre qu’au final, il n’y a ni bons ni méchants, ni bien ni mal, seulement des personnes qui vivent côte à côte et qui essaient de faire du mieux qu’elles peuvent.

Le Comité tient à remercier le personnel du ministère des Pêches et des Océans qui a appuyé ses efforts et qui s’est acquitté de manière exemplaire d’un grand nombre de responsabilités administratives et opérationnelles pour permettre au Comité de se concentrer sur son mandat

Enfin, nous sommes reconnaissants d’avoir pu donner notre avis sur une question qui est clairement vitale et importante pour tant de gens.

Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées,

Paul Sprout, président du Comité consultatif ministériel

Barbara Crann, membre du Comité consultatif ministériel

Wayne Follett, membre du Comité consultatif ministériel

Trevor Taylor, membre du Comité consultatif ministériel


1. Introduction et objet

Le 18 avril 2016, l’honorable Hunter Tootoo, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne (MPO) a annoncé la mise sur pied d’un comité consultatif ministériel chargé de mettre en œuvre un processus consultatif externe sur la politique du « dernier entré, premier sorti » (DEPS) du ministère des Pêches et des Océans (MPO) relative à la pêche à la crevette nordique. Plus précisément, le comité avait pour tâche de formuler des conseils et son avis à savoir si la politique du « dernier entré, premier sorti » relative à cette pêche devait être maintenue, modifiée ou abolie à compter de la saison de 2016. De plus, dans l’éventualité où la politique du DEPS devait être modifiée ou abolie, les membres du comité devaient donner leur avis sur les éléments d’un outil ou d’un mécanisme d’accès à la pêche ou d’allocation des ressources.

Le présent document constitue le rapport du Comité à l’intention du ministre. Il contient nos observations, ainsi que nos recommandations et nos suggestions pour l’avenir, conformément à notre mandat.

Le Comité a été constitué en raison des préoccupations à l’égard de l’incidence potentielle de la politique du DEPS compte tenu, notamment, de la diminution importante récente des stocks de crevettes nordiques et de la réduction qui en découle du total autorisé des captures (TAC). Par suite de cette réduction, certains ont été supprimés ou abaissés. Les conditions écologiques observées récemment sont moins propices aux crustacés; le MPO prévoit que ces conditions persisteront dans un avenir prévisible.

L’application de la politique du DEPS et sa mise en œuvre éventuelle en 2016 ont donné lieu à des réactions généralisées et divergentes des membres du public, à une importante couverture médiatique et à des campagnes d’éducation du public par les représentants de diverses industries. Comme l’ont remarqué les membres du Comité, la politique du DEPS est une politique controversée qui suscite des opinions bien arrêtées et des préoccupations troublantes et frustrantes. La complexité de cette question et son importance pour toutes les parties concernées ne nous ont pas échappé. De nombreux participants ont souligné l’importance de la tâche du Comité. La déclaration d’un participant, qui a dit : « Vous avez un travail très important à faire, et vous devez vous attendre à ce que toutes les parties concernées par cette question vous donnent leur avis. Je ne vous envie pas », résume probablement le mieux les remarques des participants.

Le présent rapport contient des renseignements généraux, des précisions sur la participation du public et les points de vue exprimés dans le cadre du processus. Il tient également compte des accords sur les revendications territoriales des Autochtones sur lesquels la politique du « dernier entré, premier sorti » pourrait avoir une incidence. Enfin, le Comité est parvenu à des conclusions clés à la suite des délibérations de ses membres. Nous présentons certaines de ces recommandations susceptibles de régler cette question

2. Contexte

2.1 Espèces de crevette

La pêche à la crevette nordique englobe deux espèces : la crevette nordique (ou rose) (Pandalus borealis) et la crevette ésope (Pandalus montagui).

En 2015, le total autorisé des captures (TAC) pour les deux espèces s’élevait à 112 775 tonnes, tandis que le TAC pour la crevette nordique, s’établissait à 105 797 tonnes (94 %).

La crevette ésope ne se retrouve pas dans toutes les zones de pêche à la crevette (ZPC), sa valeur commerciale est moindre et elle est considérée comme une prise accessoire dans la pêche à la crevette nordique.Note de bas de page 1 

En 2015, la valeur au débarquement de la crevette nordique était d’environ 450 millions de dollars. La valeur au débarquement de la crevette ésope dépassait 19 millions de dollars. La valeur totale des exportations du secteur de la crevette nordique était supérieure à un demi-milliard de dollars.

2.2 Emplacement de la pêche

La pêche est pratiquée au large de la côte est du Canada, à partir de 47°15’ N (Bonnet flamand et limite nord des Grands Bancs) jusqu’à 75° N (baie de Baffin). Note de bas de page 2   Une carte des zones de pêche des crevettes est comprise en annexe 8.3.

La pêche est divisée en sept zones de pêche à la crevette (ZPC) (de 0 à 7). Ces unités de gestion sont fondées sur les différences entre les taux de croissance et de maturité observées par les scientifiques, qui sont attribuables aux diverses conditions de l’habitat dans l’aire de répartition de l’espèce.Note de bas de page 3

Le TAC pour chaque région varie considérablement dans les ZPC 4 à 6, qui représentent environ 75 % du TAC global en 2015.

2.3 Participants

Deux flottilles pratiquent cette pêche : la flottille hauturière (>100 pi) et la flottille côtière ainsi que les détenteurs d’allocations spéciales, soit les groupes d’Autochtones ayant des revendications territoriales, ceux qui n’ont pas de telles revendications et d’autres groupes.

De 1978 à 1991, 17 permis hauturiers ont été délivrés dans le secteur de la flottille hauturière qui sont détenus par 14 entreprises. Trois de ces entreprises détiennent deux permis chacune. En 1978, 11 permis ont été délivrés au début de la saison de la pêche. Un permis supplémentaire a été délivré en 1979, quatre autres en 1987 et le dernier permis a été délivré en 1991. La flottille hauturière détient des allocations dans les ZPC de 0 à 7 qui sont exploitées par 10 grands chalutiers-usines de plus de >100 pi de longueur.

La flottille côtière regroupe environ actuellement 225 titulaires de permis.

À la création de la flottille en 1997, on dénombrait 385 permis. Une rationalisation financée par le secteur (fusion d’entreprises) a permis de réduire le nombre de permis au niveau où il est actuellement. Selon le secteur de résidence, la plus grande partie des titulaires de permis de la flottille côtière pêchent dans les ZPC 6 et 7 (la ZPC 7 est actuellement fermée à la pêche dirigée) et les efforts sont limités dans la ZPC 4. La flottille côtière se compose de bateaux de moins de 60 à 75 pieds de long. Le plus important quota en 2015 pour la crevette nordique a été accordé dans la ZPC 6, soit pour 31 637 tm.

Les groupes d’Autochtones ayant des revendications territoriales qui détiennent des allocations spéciales sont ceux du Nunavut (Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut) dans la ZPC 1, du Nunavik (Conseil de gestion des ressources fauniques de la région marine du Nunavik) dans la ZPC 1, et le gouvernement du Nunatsiavut dans la ZPC 4 et 5. La Première nation Miawpukek détenait une allocation pour la ZPC 7 avant sa fermeture.

Les groupes d’Autochtones n’ayant pas de revendications territoriales et qui détiennent des allocations spéciales sont la Nation Innue dans les ZPC 4 et 5, le conseil communautaire de NunatuKavut dans la ZPC 5. La Coalition nordique représente six entreprises individuelles dans la ZPC 5, dont certaines sont autochtones et d’autres non autochtones.

Les autres détenteurs d’allocations spéciales pour la pêche à la crevette nordique en 2015 étaient notamment Cartwright Fishers dans la ZPC 5, les pêcheurs côtiers touchés de morue et de crabe dans la ZPC 5 et St. Anthony Basin Resources (SABRI) dans la ZPC 6. Certains détenteurs d’allocations spéciales ont abandonné la pêche en raison de l’application de la politique du DEPS et de la fermeture de la ZPC 7.

En 2013, le MPO a établi un TAC de 1700 t pour l’utilisation du poisson dans la ZPC 4, afin de réaliser des évaluations scientifiques, en vertu de l’article 10 de la Loi sur les pêches. Cette allocation existe toujours, mais n’est pas une quantité fixe et est sujette à l’approbation annuelle du ministre.

2.4 État de la ressource

En mai 2016, le MPO a rendu public un Avis scientifique intitulé Évaluation de la crevette nordique (Pandalus borealis) dans les zones de pêche de la crevette 4 à 6 et de la crevette ésope (Pandalus montagui) dans la zone de pêche de la crevette 4 en 2015.Note de bas de page 4

Ce rapport indiquait que :

« Les conditions environnementales et l’augmentation de la pression exercée par les prédateurs semblent être des facteurs importants du récent déclin. Toutefois, de récents écarts par rapport à la tendance décennale des conditions environnementales pourraient entraîner une production de crevettes par tête plus élevée à moyen terme; il est néanmoins peu probable qu’ils provoquent un rétablissement rapide de la ressource. (page 1) »

Dans les ZPC méridionales, on a observé récemment d’importantes baisses des stocks de la crevette nordique.

La pêche de la crevette nordique dans la ZPC 7 correspond aux divisions 3LNO de l’OPANO et est gérée par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO). En 2000, l’OPANO a établi la pêche à la crevette nordique et a fixé un premier total autorisé des captures (TAC) de 6000 t, la part du Canada sur cette allocation de l’OPANO est de 83 %. Pour cette pêche, ce TAC a augmenté progressivement au milieu des années 2000 atteignant un sommet de 30 000 t en 2009-2010. Les stocks ont par la suite subi une baisse radicale correspondant aux importantes réductions du TAC imposées, jusqu’à ce que la zone soit fermée à la pêche dirigée en 2015.

Pour ce qui est de la crevette nordique dans la ZPC 6, « L’indice de la biomasse exploitable a diminué; il est passé de 785 000 t en 2006 à 138 000 t en 2015, soit le taux le plus bas de la série chronologique. Il y a eu un déclin de 41 % entre 2014 et 2015 », et d’importants déclins dans le stock reproducteur (BSR) femelle ont également été observés.Note de bas de page 5

Pour la crevette nordique dans la ZPC 5, l’indice de la biomasse exploitable et l’indice de la BSR femelle sont tous deux relativement stables depuis 2010.Note de bas de page 6

En ce qui a trait à la crevette nordique de la ZPC 4, de 2005 à 2015, l’indice de la biomasse exploitable a fluctué sans qu’il soit possible de détecter une tendance, accusant toutefois une baisse de 13 % par rapport à 2014 ainsi qu’une réduction de 18 % de la BRS femelle.Note de bas de page 7

2.5 Politique du « dernier entré, premier sorti » (DEPS)

Dans le Plan de gestion intégrée de la pêche de la crevette nordique (PGIP) de 2007, la politique du DEPS est définie comme :

« (...) le quota global de 1996 pour toutes les zones regroupées (36 700 t) est utilisé comme seuil pour déterminer le partage. Par conséquent, toute baisse appréciable dans une ou plusieurs zones peut empêcher le partage. Si l’abondance de la ressource diminue à l’avenir, les participants temporaires devront abandonner la pêche dans l’ordre inverse de leur entrée, c’est-à-dire que le dernier à entrer est le premier à sortir. »

La politique du DEPS a été mise en place afin de gérer les nouveaux participants dans la pêche à la crevette nordique. Dans la foulée du moratoire sur la pêche à la morue décrété en 1992, en 1997, des permis de pêche côtière temporaires ont été délivrés aux flottilles de moins de 65 pi et à des groupes autochtones.

En 2007, le MPO a annoncé la mise en place d’un plan de gestion de trois ans qui accordait notamment d’importantes augmentations de quotas pour les secteurs des flottilles hauturières et côtières.

De plus, en 2007, les permis temporaires ont été convertis en permis permanents pour tenter de promouvoir davantage la stabilité de la flottille côtière.Note de bas de page 8

Dans le Plan de gestion intégrée de la pêche de la crevette nordique de 2007, il est indiqué :

En 1997, le ministre des Pêches et des Océans a annoncé l’augmentation des TAC dans les zones de pêche à la crevette 2, 5 et 6, et le partage de ces augmentations avec de nouveaux participants temporaires. Les consultations publiques organisées auprès des parties intéressées afin de recueillir leur point de vue sur les principes de partage ont révélé que la plupart considéraient que l’augmentation des quotas devait être utilisée pour donner accès aux ressources à des pêcheurs situés à proximité. On a donc donné la priorité aux pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nunavut et du Québec vivant dans les régions adjacentes.

Afin d’assurer la viabilité de la flottille hauturière traditionnelle, les quotas de 1996 dans chaque ZPC ont servi de seuil. Ainsi, il ne peut y avoir de partage dans une ZPC donnée que si le quota dépasse ce seuil. Si les quotas doivent être ramenés au seuil au fil des années, il n’y aura plus rien à partager et les nouveaux participants temporaires devront abandonner la pêche.

De plus, le quota global de 1996 pour toutes les zones regroupées (36 700 tonnes) est utilisé comme seuil pour déterminer le partage.Note de bas de page 9

En 2011, le MPO a annoncé la tenue d’un examen indépendant de l’allocation de la crevette nordique avant la saison 2012. L’objectif premier de l’évaluation était de 1) « déterminer si les politiques ministérielles, la méthodologie et les principes appropriés ont été utilisés dans le processus de prise de décision » et 2) « déterminer si les politiques, la méthodologie et les principes ont été bien interprétés et utilisés. » Note de bas de page 10

Cette évaluation englobait notamment l’application de la politique du DEPS. Cette évaluation, menée par Ernst & Young, a conclu : « Il semble que les politiques, la méthodologie et les principes ont été interprétés et appliqués correctement, conformément à la définition du principe donnée dans le Plan de gestion intégrée de la pêche de la crevette nordique de 2007 », mais on observe certaines instances de manque de clarté dans la communication de l’intention ou des motifs du Ministère.Note de bas de page 11

Finalement, le rapport concluait qu’il serait approprié de préciser l’ampleur des réductions du TAC à utiliser.Note de bas de page 12

La politique du DEPS a été appliquée à la pêche à la crevette nordique en 2010. Les réductions et les augmentations dans la ZPC 6 ont été appliquées comme suit, soit 90 % pour la flottille côtière et 10 % pour la flottille hauturière.

Depuis 2010, les quotas de la flottille côtière dans la ZPC 6 sont passés de 59,613 t, en 2009, à 31 637 t en 2015.

Depuis 2010, les quotas de la flottille hauturière dans la ZPC 6 sont passés de 16,612 t, en 2009, à 13 559 t en 2015.

Depuis 2010, les allocations spéciales dans la ZPC 6 étaient pour les Pêcheurs de morue côtiers de la péninsule Northern touchés par la fermeture de la pêche (au nord du 50° 30’ N), Pêcheurs de morue côtiers de la Basse-Côte-Nord touchés par la fermeture de la pêche (au nord du 50° 30’ N) (1000 t); celles de la Nation Innue (1500 t) et la Fogo Island Co-op (1500 t) ont été enlevées.

Sous réserve d’une diminution supplémentaire des stocks dans la ZPC 6, d’autres réductions éventuelles du TAC et l’application subséquente du DEPS pourraient éliminer complètement la flottille côtière et les détenteurs d’allocations spéciales.

3. Contexte du Comité consultatif ministériel

3.1 Introduction

Le mandat du Comité a été élaboré par le ministère des Pêches et Océans (MPO) et approuvé par le ministre, il est joint à l’annexe 8.1. En plus de formuler des conseils sur l’avenir de la politique du DEPS, il a été demandé au Comité d’évaluer les éléments d’un outil ou d’un mécanisme d’accès à la pêche ou d’allocation des ressources pour la pêche à la crevette nordique si la politique du DEPS était modifiée ou abolie. Il a été demandé au Comité de mobiliser directement les intervenants sur cette question.

Le Comité devra également se prononcer sur la validité de l’application du principe du DEPS pour réduire les attributions dans les ZPC assujetties à l’une ou l’autre des trois ententes sur les revendications territoriales dans la pêche commerciale à la crevette. Il s’agit de l’accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik, de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador.

3.2 Membres du Comité consultatif ministériel

Le ministre a nommé cinq personnes venant d’horizons divers pour siéger au Comité. Cependant, l’un des membres du Comité, M. Sean Reilly s’est retiré après sa nomination, invoquant des raisons personnelles. Ensemble, les membres du Comité représentaient un vaste éventail d’expériences et de compétences en matière de gestion, de politique et de science des pêcheries, de questions autochtones, de revendications territoriales et de politique publique. Vous trouverez à l’annexe 8.2 la biographie de chacun des membres.

Dans le but de respecter son échéancier, le Comité a obtenu le soutien opérationnel et logistique du Ministère conformément à son mandat.

3.3 Échéancier

La création du Comité a été annoncée le 18 avril 2016. Il devait rendre son rapport écrit final avec ses observations et recommandations au plus tard le 15 juin 2016, mais, au besoin, un prolongement limité de l’échéance pouvait être accordé.

4. Démarche pour la consultation publique

Dès le départ, le Comité a structuré sa démarche afin de garantir son indépendance. Nous fonctionnons en équipe et la prise de décisions se fait sur une base consensuelle.

En vue d’obtenir divers avis sur les consultations publiques prévues, le Comité a tenu une consultation préalable au cours de la semaine du 2 mai 2016. Le processus prévoyait des discussions avec diverses parties concernées afin d’obtenir des commentaires sur notre démarche de consultation proposée générale. Le Comité a présenté les emplacements choisis pour les visites sur place et les séances de consultation publiques, l’horaire des réunions, les principales questions qui seraient abordées, la question de l’inscription préalable des intervenants et les échéanciers pour la présentation des observations écrites. Au cours de ces consultations préalables, le Comité n’a pas tenté de connaître l’opinion des intervenants sur la politique du DEPS.

Nous avons constaté qu’il y avait consensus avec la démarche de consultation publique proposée. Certains ont mentionné que le processus pourrait être amélioré avec l’ajout d’emplacements ou le choix d’autres emplacements, mais, de manière générale, tous étaient d’accord avec le fait que de tels changements seraient difficiles à apporter compte tenu des délais serrés. La majorité de ceux que nous avons consultés a convenu que les emplacements choisis allaient fournir une occasion adéquate aux intervenants de donner leur avis.

Le secteur de la pêche à la crevette nordique comprend des participants de la région de l’Atlantique, du Québec et du Nunavut. Un avis public a été émis pour annoncer les consultations; le détail des séances de consultation publiques a été affiché dans les deux langues officielles dans la section Consultations et examens du site Web du MPO. Ces renseignements ont été mis à jour au fur et à mesure qu’étaient connus l’emplacement et l’heure exacts des réunions.

Des séances de consultation publique ont eu lieu à St. John’s, Gander, St. Anthony, Mary’s Harbour et Happy Valley-Goose Bay à Terre-Neuve-et-Labrador, à Iqaluit, au Nunavut, et à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Aux fins de planification, les personnes souhaitant faire une présentation au Comité devaient s’inscrire à l’avance et indiquer l’endroit où elles allaient donner leur présentation. Les consultations publiques ont également fourni au Comité l’occasion de poser des questions à chacun des participants, pour obtenir des précisions, un éclaircissement et pour recentrer la discussion sur les principaux éléments. À chacune des séances de consultation publique, on avait prévu une période à micro ouvert afin d’offrir l’occasion à ceux qui ne s’étaient pas inscrits à l’avance de donner leur opinion.

De plus, le public a été invité à présenter des observations écrites, au plus tard le 3 juin 2016. Ces observations écrites ont été affichées dans le site Web après la dernière consultation publique du 10 juin 2016, afin de garantir l’équité de traitement à tous ceux qui ont présenté leurs observations. D’autre part, ceux qui ont présenté leurs observations écrites pouvaient demander que leur présentation soit affichée avant le 10 juin 2016 s’ils le souhaitaient. Les présentations et les observations écrites transmises au Comité sont à la disposition du public.

Le Comité a élargi le processus de consultation publique au-delà des séances planifiées afin d’inclure les nombreuses visites sur place. Le but, en faisant ainsi, était d’accroître notre niveau de compréhension et d’entendre d’autres points de vue d’une foule d’intervenants directement impliqués. Ces visites sur place ont été faites notamment dans des bateaux de pêche à la crevette côtière et hauturière, dans les usines de transformation de la crevette et dans les installations frigorifiques et les ports de transbordement. Ces visites ont été effectuées notamment à l’île Fogo, Old Perlican, Harbour Grace, Anchor Point, Black Duck Cove, St. Anthony, Charlottetown et Mary’s Harbour à Terre-Neuve-et-Labrador; Caraquet et Lamèque au Nouveau-Brunswick et Iqaluit, au Nunavut.

La participation aux réunions a été très bonne, nous estimons que quelque 1000 personnes ont participé aux séances de consultation publique. Le Comité a entendu 104 présentations pendant les séances et reçu 41 observations écrites.

Le Comité a recueilli l’opinion des travailleurs des pêcheries côtières et hauturières, des groupes autochtones, des intervenants du secteur et d’autres participants. Le Comité devait écouter les opinions émises par chaque source d’information, demander, le cas échéant, des éclaircissements et ensuite utiliser cette information dans ses délibérations et pour formuler ses recommandations.

Un certain nombre de personnes ont mentionné qu’elles auraient préféré que les membres du Comité soient plus nombreux avec une représentation plus provinciale et autochtone et nous comprenons leur point de vue. Cependant, ce qui nous a le plus dérangés, c’est que d’autres participants ont prétendu que le Comité avait un parti pris. Or, tout cela est faux. Une telle présomption ne tient pas compte du fait que tous les membres du Comité sont indépendants et sans intérêts particuliers et que toutes les recommandations présentées ici ont été formulées conformément à une démarche consensuelle. Cette accusation est injuste pour tous ceux qui se sont présentés aux réunions publiques et y ont participé avec tant de respect et de passion.

Le Comité a été très inspiré par le niveau d’intensité et d’émotion démontré relativement à la question de la politique du DEPS et aussi par la grande qualité des présentations données, tant par les groupes de coordination que par les particuliers. Malgré la disparité des opinions, le degré de décorum observé dans presque toutes les réunions était exemplaire. Il est évident pour les membres du Comité qu’il existe un très haut niveau de professionnalisme dans tous les secteurs de l’industrie.

5. Ce que nous avons entendu

5.1 Introduction

Au cours de ces consultations, nous avons entendu et analysé un éventail de points de vue de personnes qui dépendent lourdement de la pêche à la crevette nordique. De nombreuses personnes ont profité de l’occasion pour nous rappeler l’importance de notre tâche et pour souligner qu’elles ne nous l’enviaient pas. Les diverses visites sur place nous ont permis de parler directement aux intervenants du secteur. Nous avons parlé aux habitants des collectivités, aux pêcheurs (côtiers et hauturiers), aux travailleurs et travailleuses des usines de transformation, aux dirigeants autochtones, aux propriétaires d’entreprise et aux acteurs de l’industrie. Nous souhaitions connaître leur opinion, leurs préoccupations et leurs idées sur ce à quoi pourrait ressembler l’avenir de cette pêche.

Pendant les séances de consultation publique, nous avons entendu des propos où transparaissaient la peur et le désespoir et parfois la colère et la frustration. Nombreux ont été les intervenants qui ont présenté des arguments logiques et réfléchis. D’aucuns ont exprimé leur déception à l’égard de ce qu’ils croyaient être un effort délibéré de désinformation des protagonistes des deux côtés. En fin de compte, la majorité des positions laissaient peu de place au compromis. Cette situation a rendu notre tâche encore plus difficile.

Dans le cadre des discussions, nombreux sont ceux qui ont fait valoir la nécessité de mettre fin au conflit et d’apporter une certaine stabilité à cette pêche pour les personnes qui y travaillent et pour les collectivités dans lesquelles tout ce monde vit. Certains ont soutenu que les chances d’avancer étaient bien minces si la pêche continuait de dresser les flottilles, les collectivités, les provinces ou les pêcheurs les uns contre les autres. Beaucoup de personnes étaient d’avis que l’avenir de cette industrie repose sur la collaboration en vue d’établir une gestion durable de la ressource visant à en maximiser les avantages financiers, qui sont essentiels aux nombreuses collectivités de la région de l’Atlantique, du Québec et du Nunavut. Un intervenant a résumé le sentiment de plusieurs lorsqu’il a dit : « arrêtons de regarder ailleurs et de nous jeter des pierres les uns aux autres. Allons vers l’avant et naviguons vers notre avenir ».

La participation élevée à ces consultations est une indication claire de l’importance qu’accordent tous les acteurs touchés par cette pêche à la politique du DEPS. Pour citer un des participants : « Je devais me rendre aujourd’hui en zone de pêche, mais me voici plutôt devant ce comité, car cet enjeu est primordial ».

Ce qui suit est une tentative pour résumer et saisir les principaux thèmes qui se dégagent des propos entendus de tous au cours des consultations.

5.2 Avantages économiques de la pêche

Les opinions exprimées divergeaient quant au secteur de flottille qui génère la plus grande valeur économique, valeur soutenue par un éventail de mesures, notamment l’incidence sur le PIB, les salaires, l’emploi et les retombées économiques pour diverses régions et collectivités. Les avantages économiques pour les collectivités ont également été âprement contestés. Autant les représentants des flottilles côtières que ceux des flottilles hauturières ont souligné la valeur des emplois côtiers largement répartis dans toutes les régions qui participent à cette pêche. Bien qu’ils aient utilisé différentes mesures pour quantifier l’apport économique de leur secteur respectif, il est apparu clairement que les deux secteurs sont des acteurs économiques importants pour la région de l’Atlantique, le Nunavut et le Québec. On parle notamment des salaires versés aux équipages, de la construction, de la réparation, de l’entretien et du réapprovisionnement des navires, du camionnage, de l’entreposage frigorifique, des travailleurs et travailleuses de soutien, de la transformation du produit sur terre, de l’impôt des particuliers et des entreprises, des taxes municipales, des droits portuaires et de l’aide financière pour le développement continuel d’autres industries et de bien d’autres avantages.

Beaucoup d’intervenants ont donné des exemples d’effets négatifs déjà causés par la politique du « dernier entré, premier sorti » (DEPS). On a parlé de faillites, d’emplois perdus, de fermetures d’usine et d’exode. Les deux camps ont fait valoir qu’il était probable que ces effets allaient persister que la politique du DEPS soit maintenue ou abolie. Ils ont aussi indiqué que les recommandations du Comité pourraient avoir un effet dévastateur sur les collectivités rurales et côtières déjà aux prises avec d’importants problèmes économiques. De plus, les deux parties ont mentionné que l’attraction et la rétention d’une main-d’œuvre qualifiée pourraient s’avérer encore plus difficiles.

Certains ont indiqué que des décisions commerciales et des investissements importants avaient été fondés sur la stabilité d’accès à la ressource et les allocations de quotas. D’autres ont dit que la politique du MPO avait encouragé d’importants investissements de la part des particuliers et des entreprises. Beaucoup d’intervenants se sont lourdement endettés de bonne foi et la viabilité économique des entreprises de pêche est maintenant menacée. D’autres encore ont mentionné que les programmes communautaires soutenus par les revenus de la pêche à la crevette étaient également menacés. Certains intervenants croient plutôt qu’il faut mettre l’accent sur des produits à plus forte valeur correspondant à la demande actuelle du marché et examiner de nouvelles possibilités de transformation en mer.

5.3 Attachement et dépendance historique à la pêche

Ce thème, à l’instar de quelques autres, est un exemple des définitions variables exprimées selon les intervenants. Certains groupes ont fait valoir que leur propre histoire en lien avec cette pêche s’étendait sur des centaines d’années et que le partage permanent de la ressource devrait être basé sur la pratique historique au fil du temps, car la tradition englobe beaucoup plus que l’histoire récente. D’autres estimaient qu’une pratique de près de vingt ans témoignait clairement d’un attachement.

Les représentants de la flottille hauturière ont fait valoir que leur pratique remontait à de nombreuses années et que la faiblesse des prises des premières années devait être considérée comme une étape du développement de cette pêche. Les partisans de la flottille côtière ont indiqué que 99 % des membres de cette flottille pêchaient dans la ZPC 6 et que l’accès aux autres zones était limité.

Les partisans de la flottille hauturière ont indiqué quant à eux que l’accès à la ZPC 6 était essentiel au maintien de leurs activités sur toute l’année. Ils ont souligné que la glace, les conditions météorologiques et les contraintes de ressources limitaient considérablement leur accès à la pêche dans d’autres zones. D’aucuns ont indiqué qu’au fil du temps, des hausses du TAC et des allocations de quotas résultantes avaient été accordées à des groupes qui n’avaient pas d’histoire liée à la ressource ni d’attachement contigu à celle-ci.

Certains ont fait valoir que la dépendance historique devrait être définie en fonction d’une ressource donnée. D’autres ont soutenu qu’elle devrait être définie en fonction des ressources dans les eaux limitrophes dont dépendaient les collectivités côtières, peu importe l’espèce. Les représentants du secteur hauturier ont fait état de leur long passé lié à cette pêche et de sa reconnaissance officielle en 1997. Les représentants de la pêche côtière ont souligné que même s’ils avaient eu accès à cette pêche seulement en 1997, sa pratique datait d’avant 1997 et que leurs tentatives initiales pour y avoir accès avaient été rejetées.

D’autres ont indiqué que l’expansion rapide de cette pêche avait eu pour effet de créer une dépendance chez les nouveaux groupes d’utilisateurs et de nuire aux marchés classiques. Par ailleurs, la hausse des quantités offertes a eu pour effet de faire chuter les prix courants et de menacer la viabilité d’autres groupes qui pratiquent cette pêche depuis plus longtemps encore.

5.4 Contiguïté

Voilà un autre thème dont la définition et l’application ont été interprétées très différemment selon le secteur. Certaines définitions de contiguïté étaient plus restrictives, fondées sur un secteur géographique très précis et d’autres étaient plus générales, comprenant tout territoire riverain de l’Atlantique Nord. Certains ont suggéré que l’approche la plus indiquée consisterait à préparer de nouvelles ententes de partage qui prendraient en compte à la fois la contiguïté et l’attachement historique. Les détails entourant la pondération ou la mise en œuvre de telles ententes étaient moins clairs.

Plusieurs intervenants croyaient que le Groupe indépendant sur les critères d’accès (2002) avait cédé la priorité d’accès à ceux qui étaient le plus près de la ressource. Ils ont dit que la contiguïté était un principe de gestion des pêches de longue date et le principe fondamental sur lequel s’appuyaient les zones économiques exclusives. La contiguïté a été le principe de base utilisé au moment des hausses d’allocations de la crevette nordique en 1997 certains intervenants ont cependant soutenu que tous les groupes contigus à la ressource n’avaient pas été inclus. D’autres croient plutôt que la contiguïté est un principe adopté par le Parti libéral du Canada, qui y voit une façon d’assurer un maximum d’avantages aux collectivités côtières dépendantes de la ressource. D’aucuns ont indiqué que cette position était d’autant plus confirmée qu’une motion sur la contiguïté avait été présentée au dernier congrès du Parti libéral. Certains étaient d’avis que l’application du principe de la contiguïté aux allocations de quotas avait pour effet de stimuler la croissance économique, de favoriser le dynamisme et la viabilité des collectivités et de promouvoir l’intendance.

D’autres considéraient que les personnes qui gagnaient leur vie grâce à des allocations de quotas attribuées à des groupes non contigus avaient droit à la même reconnaissance que les personnes qui vivaient à proximité de la ressource et appartenaient à ces collectivités. D’autres encore ont indiqué que la contiguïté ne l’emportait pas sur l’attachement historique et sur la dépendance économique développés au fil des ans par certains groupes.

Les personnes qui sont intervenues en défense des intérêts du Labrador et du Nunavut ont indiqué que le niveau des allocations de quotas ne reconnaissait pas suffisamment la contiguïté et que, de fait, d’autres groupes d’utilisateurs non contigus avaient des allocations de quotas dans des secteurs contigus.

Certains étaient d’avis que la contiguïté était un concept net et pouvait être définie précisément, tandis que d’autres croyaient qu’il s’agissait d’un concept relatif et quelque peu fluide, vu que les concentrations de crevette pouvaient se déplacer à l’intérieur d’une ZPC. D’autres ont fait valoir que la contiguïté occupait trop de place dans l’allocation de quotas, de sorte que certains groupes avaient accès en fin de compte à la ressource sans que d’autres critères soient suffisamment considérés.

5.5 Viabilité économique et dépendance

Certains intervenants ont fait valoir qu’à un moment où la ressource est en déclin, l’adoption d’une approche plus équilibrée pour la réduction des quotas tiendrait mieux compte de la viabilité et de l’apport des deux secteurs de flottille. Afin de décrire cette répartition égale des allocations de quota, on a souvent parlé d’un « partage égal du fardeau ». Tous les groupes d’utilisateurs ont fait valoir avec force que l’accès à la crevette nordique faisait partie de leur modèle d’entreprise et que la réduction de quotas allait probablement nuire considérablement à leur viabilité et avoir d’autres conséquences financières plus larges. Les opinions divergeaient également par rapport à la suggestion d’abolir la pêche hauturière dans la ZPC 6 et de transférer les quotas du secteur hauturier au secteur côtier. Les représentants du secteur côtier ont argué que cette mesure était essentielle à leur survie économique, car l’accès à d’autres espèces, notamment au stock plus stable de la morue du Nord, était limité. D’aucuns ont souligné que d’autres pêches se voyaient imposer des réductions de quotas. Le secteur hauturier a soutenu quant à lui que le transfert au secteur côtier de leurs quotas pour la ZPC 6 produirait bien peu d’avantages économiques une fois les quotas répartis entre tous les navires côtiers. En outre, une telle mesure aurait pour effet d’obliger la flottille hauturière à demeurer attachée au quai une partie de l’année, alors que présentement elle était active toute l’année.

Sur la question de la mobilité de la flottille en tant que facteur de viabilité économique, les intervenants divergeaient énormément d’opinion. Le secteur côtier est d’avis que le secteur hauturier a eu accès au départ à la ressource parce que leurs navires peuvent pêcher plus loin de la côte et que leur mobilité fournit au secteur hauturier des possibilités dans d’autres zones où les stocks demeurent en santé. Le secteur hauturier soutient que les allocations de crevette nordique attribuées dans les ZPC 0 et 1 sont pour la majorité du « poisson de papier » et que ces zones ne sont pas exploitables. En outre, le secteur hauturier soutient que la crevette nordique dans les ZPC 2 à 5 n’est pas accessible à certaines périodes de l’année en raison de la glace. Il prétend aussi que la flottille côtière, vu l’éventail de ses navires, correspond davantage à une flottille mi-côtière.

Plusieurs intervenants ont mentionné les possibilités qu’offre l’Accord économique et commercial global (AEGC) sur le point d’être conclu. Cet accord abolirait le tarif douanier de l’UE sur la crevette canadienne, rendant par conséquent les producteurs canadiens plus concurrentiels. De plus, l’accord pourrait créer de nouvelles possibilités de coopération dans l’industrie de la crevette et favoriser le développement par l’industrie canadienne d’autres produits à valeur ajoutée.

Bon nombre d’intervenants ont souligné que les pertes d’emplois possibles attribuables au maintien ou à la modification de la politique du DEPS pourraient affecter de façon disproportionnée certains groupes. À titre d’exemple, on a mentionné les groupes autochtones, les femmes qui comptent pour une partie importante de la main-d’œuvre dans les usines de transformation et les personnes vivant où d’autres débouchés d’emplois sont très limités. Sur la question des possibilités d’emploi pour les femmes, on a souligné que le gouvernement du Canada s’était engagé à élaborer des politiques qui prennent en compte les répercussions sexospécifiques.

5.6 Évolution et application de la politique du « dernier entré, premier sorti » 

Au cours des consultations publiques, deux annonces importantes du MPO ont été abondamment citées : les principes sur lesquels s’est appuyée la décision de 1997 qui donnait pour la première fois au secteur côtier accès à la ressource et la décision de 2007 en vertu de laquelle les permis temporaires de pêche côtière sont devenus des permis réguliers, ce qui a permis aux entreprises de rationaliser leurs activités en fusionnant des entreprises et des permis.

Les représentants du secteur côtier ont soutenu qu’on leur avait refusé l’accès à la ressource et qu’il n’y avait pas eu de discussion entourant la politique du DEPS au moment de la décision de 2007. D’autres ont indiqué que le Plan de gestion intégrée des pêches (PGIP) de 2003 mettait l’accent sur les collectivités côtières, mais que cet aspect n’apparaissait plus dans le PGIP de 2007. Certains ont fait valoir que les bonnes politiques n’étaient pas en place au moment où la pêche a pris de l’expansion. D’autres ont dit considérer que la politique du DEPS constitue une approche moderne en matière de gestion des pêches et qu’à ce titre elle convient parfaitement pour réduire la capacité de pêche dans des périodes où les ressources sont en déclin. Le secteur côtier a soutenu que l’application de la politique du DEPS fait fi de la décision de 2007 en vertu de laquelle les permis de pêche côtière sont devenus permanents, ainsi que des investissements considérables qui ont suivi pour faciliter la fusion d’entreprises. Il a également été mentionné que la fusion d’entreprises avait été encouragée et facilitée par le MPO.

Les différences d’opinions étaient manifestes dans l’interprétation des conditions qui ont permis à de nouveaux acteurs de faire leur entrée dans l’industrie. Le secteur côtier a soutenu qu’il n’avait jamais accepté ces conditions, n’avait jamais été consulté de façon satisfaisante et que les modifications qu’il avait proposées n’avaient jamais été adoptées. De plus, selon ce secteur, la définition de la politique du DEPS dans le PGIP de 2007 était de toute manière trop vague. Certains sont d’avis que les conditions d’entrée et d’expansion ont été imposées à leur secteur à un moment où les gens s’efforçaient encore de se remettre économiquement et socialement des effets du moratoire sur la pêche à la morue du Nord.

Aussi, beaucoup de titulaires de permis de pêche côtière ont indiqué que leurs décisions d’affaires avaient été fondées sur le caractère permanent de leur permis; comme les permis étaient utilisés à titre de garantie pour obtenir du financement, il était clair pour eux que leur accès à la ressource était permanent.

Un titulaire de permis de pêche côtière a exprimé son ressentiment comme suit : « le MPO nous a trompés dans ce mouvement de fusion ». En outre, les nouvelles règles sur les fusions avaient pour but de fournir à la flottille côtière un outil pour rationaliser ses activités et consolider la viabilité à long terme des entreprises restantes.

Certains ont affirmé qu’ils reconnaissent au secteur hauturier le droit de pratiquer cette pêche, mais qu’il est injuste, au bout du compte, de forcer le secteur côtier à cesser complètement la pêche dans la ZPC 6.

Pour d’autres, il est essentiel que les politiques de gestion des pêches fassent preuve de souplesse étant donné que l’état de la ressource et sa disponibilité, les demandes du marché et la viabilité économique se transforment au fil du temps. En outre, la politique du DEPS ne devrait pas s’appliquer de manière à donner le monopole à perpétuité à un secteur de flottille en particulier. D’autres ont indiqué que même si plusieurs ministres successifs avaient maintenu la politique du DEPS, le ministre n’y était pas lié à perpétuité.

D’aucuns ont également souligné que la politique du DEPS n’était pas une politique déclarée pour aucune autre pêche au Canada. Elle ne devrait pas s’appliquer à la gestion de la crevette nordique, car en fin de compte, elle a pour effet de séparer les collectivités côtières de leurs ressources contiguës.

D’autres ont contré ces arguments en affirmant qu’il n’y a aucune ambiguïté et que les conditions pour les nouveaux participants sont clairement définies, comprises et acceptées. La mise en œuvre de la politique du DEPS a été appuyée par tous les ministres qui se sont succédé depuis 2010. De même, par le passé, le quota des détenteurs d’allocation a été retiré selon la politique du DEPS dans d’autres pêches canadiennes (Programme des usines à court de ressources et palangriers scandinaves pour la pêche à la morue du Nord et la pêche au crabe du Golfe). Le secteur hauturier a souligné, comme point de comparaison, le fait que le secteur côtier affirme que son accès exclusif aux 115 000 premières tonnes pour la pêche à la morue du Nord devrait être maintenu, alors que cela contredit son point de vue selon lequel il faudrait retirer au secteur hauturier les ZPC 6. Qui plus est, les pêcheurs hauturiers ont mis de l’avant les importantes pertes d’emploi éventuelles, la transition d’une pêche annuelle à une pêche davantage saisonnière et une capacité réduite à effectuer des paiements de redevances dans le cadre des partenariats courants qui appuient beaucoup de collectivités nordiques. Ils ont également maintenu qu’en modifiant ou en abandonnant la politique du DEPS, le gouvernement du Canada n’honorerait pas le contrat social établi avec les intervenants. Les pêcheurs hauturiers étaient d’avis, enfin, que l’abandon de cette politique pourrait mener à la déstabilisation des règles d’accès et d’allocation dans d’autres pêches et à un retour à une prise de décisions à motif politique.

Ceux qui appuient la politique du DEPS croient qu’il s’agit de la base d’un secteur solide et viable. Selon eux, si cette politique est appliquée lorsque les ressources sont en hausse, elle devrait aussi l’être lorsque les ressources sont en baisse. Ils soutiennent que l’ordre inversé ne peut être perçu comme une vague définition et que des limites ont été clairement établies dans chaque ZPC.

Enfin, selon le secteur hauturier, une importante surcapacité demeure dans le secteur côtier, à la fois en ce qui a trait à la pêche et à la transformation. Les pêcheurs hauturiers sont d’avis qu’il est injuste qu’ils aient à régler des problèmes qui sont propres aux pêcheurs côtiers.

5.7 Implications et incidence possibles sur le frai d’une pêche à l’année

Bien que l’opinion soit divisée, on semblait s’entendre sur le fait que le MPO devrait examiner plus attentivement l’incidence possible d’une pêche à l’année sur le frai de la crevette. Certains étaient d’avis que des activités de pêche à l’année sollicitent trop le stock. D’autres ont suggéré que de telles activités peuvent perturber le processus de frai et représentent une grande menace pour l’ensemble de l’écosystème. D’autres encore croient que des facteurs spatiaux et temporels jouent un rôle plus grand. Par ailleurs, les avis diffèrent quant aux répercussions d’un type de flottille de pêche particulier. Certains s’opposent aux navires de grande taille, alors que d’autres sont d’avis que les navires de petite taille pourraient avoir un effet perturbateur similaire ou encore plus grand.

5.8 Conservation

La plupart des groupes ont affirmé que la conservation des ressources est d’une importance capitale, mais les opinions diffèrent sur la meilleure stratégie de conservation. Les participants appuient, pour la plupart, les derniers résultats scientifiques du MPO, bien que certains pêcheurs côtiers aient fait remarquer que les récents taux de prises dans la ZPC 6 étaient très élevés. Certains ont mentionné que les efforts visant à préserver un écosystème sain sont essentiels et que ces efforts pourraient être déployés selon une approche renouvelée misant sur la pêche côtière plurispécifique à plus petite échelle. On a également suggéré qu’une meilleure compréhension de l’écosystème est requise, y compris des répercussions des changements climatiques et du réchauffement de la température de l’eau, de la dynamique prédateurs-proies relative à la crevette et au crabe, de l’incidence des périodes printanière et estivale sur la reproduction de la crevette et du taux d’exploitation par rapport à la biomasse. On a souligné la valeur des données recueilles en haute mer sur le plan de la recherche; certains étaient d’avis que le secteur des pêches pourrait profiter de données d’observation plus détaillées sur la pêche côtière. Enfin, toutes les parties intéressées s’entendaient pour dire que le fait que des flottilles et des groupes aient à se livrer concurrence pour l’accès et les allocations va à l’encontre des principes de conservation.

5.9 Transition pour faire face aux ressources en déclin

Nous avons recueilli certains points de vue intéressants sur la forme future que pourrait prendre le secteur des pêches dans le Canada atlantique. La plupart des participants ont reconnu que le changement des conditions écologiques dicterait probablement le choix des principales espèces des pêches commerciales de l’avenir. Selon certains, le simple fait de répartir à nouveau les allocations courantes est une solution à court terme et ne pourrait sauver les secteurs qui dépendent de la crevette.

D’autres sont d’avis que des allocations plus équitables pourraient donner suffisamment de temps pour faire la transition vers le secteur en recrudescence des pêches au poisson de fond ainsi que pour bâtir des marchés qui rendraient ces pêches viables sur le plan économique. Certains affirment que la transition serait particulièrement difficile s’il n’y avait qu’un accès limité ou aucun accès à d’autres types de pêche, ou s’il n’y avait qu’un accès à des pêches au quota limité et de faible valeur commerciale. Enfin, il a également été suggéré de mettre davantage l’accent sur le développement de nouveaux débouchés pour les ressources.

5.10 Lien avec les autres pêches

Selon certains, la crevette nordique ne devrait pas être prise en compte isolément. Les changements de l’abondance d’autres stocks devraient être envisagés sous l’angle de l’ensemble des espèces qui permettent à une entreprise d’être viable. Bon nombre de participants ont fait remarquer qu’une augmentation des stocks de poisson de fond pourrait offrir des débouchés futurs, bien que le rétablissement de ces espèces ne s’effectue pas au même rythme que le déclin d’autres espèces. Ainsi, certains pêcheurs côtiers croient que la crevette serait leur seule pêche d’importance dans un proche avenir. Par ailleurs, on a observé que la résurgence de la morue du Nord, en particulier, déclencherait de nouvelles discussions sur la contiguïté et les allocations advenant une éventuelle réouverture de la pêche commerciale.

5.11 Enjeux autochtones

Au-delà de l’application spécifique de la politique du DEPS, certains groupes autochtones ont fait remarquer que le processus de consultation entrepris par notre Comité ne respecte pas les exigences relatives à la consultation établies dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les groupes autochtones et non autochtones ont souligné l’importance du respect des droits des peuples autochtones, en particulier tels qu’ils sont définis dans les accords sur les revendications territoriales. Nombre d’intervenants sont d’avis que la politique du DEPS ne devrait d’aucune façon aller à l’encontre des conditions des accords sur les revendications territoriales.

Dans le cas de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador, on a suggéré qu’il offre une certitude juridique et clarifie les droits de propriété. Il a servi de cadre fédéral pour les traités modernes. Qui plus est, le gouvernement du Canada est tenu juridiquement de préserver l’honneur de la Couronne, selon un récent rapport du Bureau du vérificateur général (BVG) énonçant que les obligations doivent être interprétées de manière raisonnable et ciblée. Par ailleurs, le BVG a souligné que les risques de litige ayant trait à des revendications territoriales autochtones n’étaient pas pris en compte. D’autres personnes ont fait remarquer l’importance de l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard d’une relation de nation à nation avec les peuples autochtones. Dans le cadre des discussions tenues, on a également souligné la mention spécifique de cette relation dans la lettre de mandat au ministre Tootoo et dans le mandat du Comité.

Plusieurs groupes autochtones ont exprimé leur point de vue, selon lequel les droits des autochtones devraient avoir priorité sur la contiguïté, l’attachement historique ou tout autre critère. L’un des intervenants a déclaré : « Il n’y a pas d’attachement historique plus grand que celui de nos peuples autochtones. »

Plusieurs personnes ont souligné que les allocations spéciales jouent un rôle économique et social important dans le développement et le maintien des collectivités autochtones du Labrador, du Nunavut et du Québec. Certains groupes autochtones du Labrador ont fait remarquer qu’ils n’ont droit qu’aux allocations spéciales et à une part disproportionnellement faible de quota, comparativement aux autres participants qui pêchent dans leurs eaux contiguës.

Bon nombre d’intervenants ont indiqué que le partage des ressources avec les groupes autochtones est reconnu dans plusieurs autres secteurs et que des ententes sur les répercussions et les avantages devraient s’appliquer aux ressources halieutiques.

Les groupes autochtones du secteur côtier étaient d’avis qu’ils devraient être protégés d’éventuelles réductions de quota en vertu de la politique du DEPS, étant donné que les allocations sont déjà inadéquates et que l’application de la politique du DEPS viendrait leur retrancher leurs récents gains.

Certains ont souligné les contradictions inhérentes aux politiques gouvernementales pour déterminer les allocations, alors que les émissions de permis initiales et subséquentes excluaient entièrement certains groupes autochtones. Depuis ce temps, les groupes autochtones ont été informés que les allocations existantes ont été entièrement attribuées. Le problème est aggravé par le fait que certaines allocations spéciales ont été réduites dans le cadre de la politique du DEPS dans une des ZPC.

Dans une autre ZPC, un groupe autochtone a déclaré n’avoir reçu aucune part d’une allocation récente pour appuyer les recherches sur la crevette nordique.

D’autres parties intéressées estimaient que les obligations en vertu des accords sur les revendications territoriales sont suffisamment reconnues dans le cadre des allocations actuelles, à la fois dans les secteurs contigus et non contigus. De plus, les conditions des accords sur les revendications territoriales ne s’appliqueraient qu’à l’émission de nouveaux permis. D’autres encore ont signalé qu’un certain nombre de politiques du gouvernement du Canada appuient déjà la participation des Autochtones à la pêche. Il a aussi été suggéré qu’aucune condition dans les accords sur les revendications territoriales n’invaliderait la mise en œuvre de la politique du DEPS, étant donné que la pêche est au-delà de la région visée. De plus, on a précisé que le Comité ne devrait d’aucune façon tenter d’interpréter ou de renégocier ces conditions.

Plusieurs personnes ont parlé de l’importance des allocations spéciales et des accords de redevances aux groupes autochtones et à leurs collectivités. Parmi les avantages, mentionnons l’embauche de membres des collectivités dans les équipages et la mise en œuvre de précieux programmes communautaires. L’un des participants a affirmé au Comité : « les partenariats que nous établissons contribuent à développer une main-d’œuvre hautement spécialisée et formée et ces travailleurs deviennent des modèles pour les jeunes autochtones ».

Les accords de redevances représentent également une importante contribution à la recherche scientifique sur la crevette nordique.

On a fait remarquer que les plus grandes réussites des groupes autochtones sont issues d’une collaboration complète au chapitre de la gestion, de la pêche et de la transformation — cette approche ayant favorisé des collectivités durables.

Certains groupes autochtones ont fait ressortir le fait que les restrictions du Programme de transfert des allocations en vertu de la Stratégie des pêches autochtones empêchent les Autochtones d’élargir leur participation dans ce secteur. De plus, d’autres ont émis le point de vue que ce programme ne remplit pas l’obligation constitutionnelle du gouvernement.

Selon certains, on aurait pu profiter des augmentations de quotas des dernières années pour rétablir l’écart perçu par certains groupes autochtones, mais cela n’a pas été fait. Qui plus est, si ces groupes autochtones avaient été exemptés de l’obligation de respecter la politique du DEPS, cela aurait pu contribuer à réduire l’écart. Certains détenteurs actuels d’allocations spéciales ont déclaré que bien qu’il soit peu probable que l’examen mène à une augmentation de leur allocation, ils devraient au moins conserver leur allocation courante.

Pour le secteur nord, il a été suggéré qu’une approche plus équilibrée serait requise pour rétablir une situation équitable et juste. Les groupes autochtones du Nunavut craignent que l’application de la politique du DEPS les empêche de recevoir leur juste part. On a mentionné que, bien que la politique du DEPS puisse fonctionner dans les secteurs du sud, elle ne devrait pas s’appliquer aux ZPC 0 à 3.

Le fait que le GICA ait défini le Nunavut comme un cas spécial a également été soulevé. Le Nunavut n’a pas le même accès aux ressources contiguës que les provinces de l’Atlantique; il a donc été suggéré qu’on ne devrait envisager l’ajout d’aucun accès supplémentaire tant que le Nunavut n’aura pas atteint une participation majoritaire.

On a également fait remarquer que l’application de la politique du DEPS pourrait avoir d’importantes répercussions sur le financement de la recherche scientifique sur le stock actuellement exploité dans les secteurs nordiques.

Section 6 Enjeux stratégiques

Dans la présente section, nous nous concentrons sur les enjeux qui ont été portés à notre attention dans les discussions publiques et les observations écrites que nous trouvons particulièrement pertinentes aux fins de notre mandat. Nous y décrivons brièvement notre compréhension de ces enjeux, nous mentionnons toutes les observations que nous pourrions avoir sur ces questions et, dans certains cas, nous exposons les conclusions que nous avons tirées.

6.1 Changement de l’abondance de la crevette nordique et possible changement de régime

Nous savons qu’un déclin important de l’abondance de la crevette a eu lieu, depuis le sommet atteint en 2009, à l’extrémité sud de l’aire de répartition dans les ZPC 6 et 7. Selon certains, ce déclin découlerait d’un déplacement de la répartition de la ressource vers le nord. Toutefois, cette situation correspond plus précisément à un épuisement de la ressource dans le sud et au retour prévu de ce qu’on a décrit comme des niveaux d’abondance « normale ». Cet épuisement, scientifiquement établi, fait suite à l’évolution des conditions environnementales qui a mené à une baisse du succès de la reproduction et du recrutement à la pêche. En outre, on estime que cette évolution des conditions environnementales, aussi établie de façon scientifique et généralement soutenue par l’industrie, crée des circonstances plus favorables pour les poissons de fond et moins adéquates pour les mollusques et crustacés. L’abondance accrue du poisson de fond devrait également occasionner des niveaux accrus de prédation sur les mollusques et crustacés. En raison de la combinaison de ces facteurs, de nombreux intervenants de l’industrie et du milieu scientifique estiment que les ZPC 6 et 7 pourraient être sur le point d’atteindre d’un « changement de régime ».

Les parties intéressées du secteur de la pêche côtière ont souligné les impacts qu’auraient des réductions supplémentaires de la crevette dans la ZPC 6 et ont vanté les avantages d’un transfert des parts des prises de la pêche hauturière à la pêche côtière dans la ZPC 6. Toutefois, nous pensons qu’il est important d’être francs quant aux problèmes auxquels font face les pêcheurs côtiers, quelles que soient les ententes de partage conclues dans la ZPC 6. Il semble inévitable que nous assistions à d’autres déclins des prises dans cette ZPC. Toutefois, on n’a pas établi clairement ce que signifierait un retour à des niveaux d’abondance « normale » de la crevette. Si l’on décidait de modifier la politique du DEPS afin d’accroître l’accès à la crevette dans la ZPC 6, il est possible que, dans les faits, cette décision ne se traduise pas par une hausse des prises de crevette. Si jamais une telle hausse devait se concrétiser, elle pourrait n’être que temporaire. Cette situation est particulièrement difficile compte tenu du grand nombre de navires qui pêchent la crevette dans la ZPC 6, des nombreuses usines qui dépendent des débarquements de crevette et de l’absence de solutions de rechange immédiates et à court terme à la pêche. Très vraisemblablement, les pêcheurs devront réaliser des prises de crevette plus faibles sur une plus longue période pour subvenir à leurs besoins. Même si les stocks de poisson de fond semblent se rétablir, il est peu probable que le taux de rétablissement permette de bien compenser le déclin de la disponibilité de la crevette. Nous assisterons ainsi à une période de grande incertitude pour les entreprises de pêche, les usines de transformation et les communautés qu’elles soutiennent. Cela nous amène à penser qu’il faut élaborer une stratégie de transition pour répondre, dans la mesure du possible, aux répercussions d’un écart probable entre les baisses attendues de crevette et une augmentation possible de la récolte du poisson de fond.

Nous concluons que la baisse prévue de la crevette intensifiera encore plus l’attention qui est donnée au problème de la politique du DEPS. Ce que cela signifie à long terme pour la ZPC 6 et la production de la crevette n’est pas clair. À notre avis, cette situation justifie de trouver une solution qui nous permette de limiter ou d’éviter un long débat déstabilisant sur le bien-fondé de la politique du DEPS.

Il convient de transformer ce débat néfaste sur la politique du DEPS en une discussion où les participants se concentrent sur la gestion plus efficace et concertée de leurs parts et sur l’optimisation de la valeur qu’ils retirent de la ressource en déclin. Si elle est rassurée sur ses allocations, l’industrie pourra mieux s’adapter aux nouvelles réalités et mieux progresser dans ses importants efforts d’autorationalisation, efforts dont les résultats sont déjà observables dans les eaux côtières.

6.2 Gestion des pêches

Plusieurs questions et préoccupations relatives à la gestion des pêches ont été portées à notre attention par des parties intéressées provenant tant du secteur de la pêche côtière que de celui de la pêche hauturière. Plus précisément, on nous a proposé que les ressources de crevette puissent bénéficier d’une « période de repos » (c’est-à-dire une interruption de la récolte) dans la ZPC 6. Le groupe du secteur de la pêche hauturière estime que la flottille côtière, qui est active durant l’été, a des impacts néfastes sur la crevette durant la période d’extrusion des œufs et de mue de l’espèce; il s’agit en effet d’une période particulièrement sensible pour l’établissement des effectifs des classes d’âge. À l’inverse, le groupe du secteur de la pêche côtière soutient que la pêche hauturière, qui a lieu durant les derniers mois de l’hiver, cible les crevettes pendant que celles-ci portent ou libèrent leurs œufs, ce qui perturbe la reproduction de l’espèce. Ce groupe affirme que le déclin abrupt de la crevette dans la ZPC 7, également exploitée durant l’hiver, constitue une autre preuve anecdotique à l’appui de son point de vue quant au problème posé par la pêche durant cette période. Du point de vue des pêcheurs côtiers, la fermeture de la pêche à la crevette dans la ZPC 6 durant l’hiver est une solution logique pour protéger la ressource. Du point de vue scientifique, le MPO est d’avis qu’aucune de ces préoccupations ne touche la population de crevette étant donné que cette pêche est gérée selon un taux global d’exploitation qui tient compte de l’abondance totale de la crevette ainsi que des effets de la pêche.

Nous ne disposons d’aucune information pour prendre une décision sur cette question, et même si c’était le cas, l’émission d’un avis sur le bien-fondé d’une période de pêche ne relève pas de notre mandat. Cependant, le Comité a observé à quel point cette question a été mise en avant, en particulier par les parties intéressées du secteur de la pêche côtière. Nous avons conclu que cette question serait bien servie par un examen plus attentif des préoccupations qui y sont associées. Un tel examen devrait faire intervenir les parties concernées dans l’étude des perspectives et, idéalement, dans la conception d’une expérience visant à vérifier la validité des prémisses sous-jacentes à chaque point de vue.

Sur un autre sujet, qui demeure toutefois lié à la gestion des pêches, des parties intéressées du secteur de la pêche hauturière ont dit au Comité que la pêche côtière n’était pas soumise au même niveau de surveillance des pêches et de déclaration des prises que la flottille hauturière. Dans un exposé, on a mentionné que de graves problèmes en matière de déclaration et préoccupations en matière de conformité touchaient la pêche côtière. D’après nos informations, des observateurs sont présents sur chacun des dix navires de la pêche hauturière. Pour les 244 navires de pêche côtière, on vise une couverture d’observateurs de l’ordre de 10 %, et 100 % des débarquements font l’objet d’une surveillance à quai.

Nous avons été informés qu’une approche fondée sur le risque a été prise pour l’établissement des niveaux de surveillance et de déclaration pour les deux secteurs de pêche. Pour l’heure, le Ministère ne nous avait pas informés d’enjeux relatifs à l’application de la réglementation qui seraient expressément liés à l’une ou à l’autre des pêches pratiquées dans la ZPC 6.

Nous ne sommes pas certains de la validité des préoccupations soulevées au sujet des observateurs des pêches et de la surveillance des prises. Cependant, nous pensons que le moment est venu d’examiner le programme pour s’assurer de sa solidité et de l’adéquation de ses niveaux de couverture, quelle que soit la décision prise à l’égard de la politique du DEPS.

6.3 Valeur des pêches

Au cours de nos délibérations publiques, nous avons été mis au fait de l’importance des récentes hausses des prix de la crevette. De façon plus générale, la valeur de la crevette provenant de la pêche hauturière a été un facteur clé pour l’établissement des seuils en 1997. Nous avons été informés que les prix élevés avaient contribué à la viabilité à long terme des flottilles face aux pertes de possibilités de pêche et que ces prix avaient effectivement masqué les effets de la réduction des quotas pour la pêche côtière pratiquée dans la ZPC 6. Pour ce qui est des seuils fixés pour les ZPC en 1997, nous avons été informés qu’on a tenu compte, au moment d’établir les niveaux, de la valeur de la pêche hauturière et que le prix de la crevette a joué un rôle important dans ce calcul. Les informations reçues indiquent que les prix de la crevette à la tonne en 2015 étaient supérieurs (lorsque l’on tient compte de l’inflation) aux prix observés au moment de l’établissement des seuils, à la fin des années 1990. Il semblerait, à la lumière de la hausse des prix combinée à des quotas beaucoup plus élevés, que le secteur de la pêche hauturière a débarqué des prises dont la valeur est actuellement beaucoup plus élevée que la valeur calculée en 1997, lorsque les seuils ont été créés.

Le Comité a observé que même si les prix de la crevette restaient élevés en raison du déclin de la ressource, il semble déraisonnable de s’attendre à ce que la valeur marchande enregistre une hausse suffisante, compte tenu les niveaux élevés des prix actuels, pour compenser les réductions de quotas prévues, quelle que soit la décision prise au sujet de la politique du DEPS. Cela nous amène à conclure que les récoltes de crevette dans la ZPC 6, considérées isolément et sans égard aux changements qui pourraient être apportés à la politique du DEPS, sont peu susceptibles de soutenir la pêche et ses communautés de la manière dont on pourrait espérer. Le Comité est d’avis que la valeur des seuils fixés en 1997, lorsqu’on la compare à la valeur d’aujourd’hui, est un facteur valable dont on peut tenir compte lorsqu’on examine les répercussions d’une modification possible de la politique du DEPS, laquelle modification est susceptible d’avoir une incidence sur ces seuils.

6.4 Considérations relatives aux Autochtones

Des allocations spéciales ont été octroyées à des groupes autochtones du Nunavut, du nord du Québec et du Labrador qui ont conclu des accords sur les revendications territoriales et d’autres ententes avec le gouvernement du Canada. De plus, des allocations spéciales visant la crevette nordique ont été octroyées à des Autochtones en dehors du cadre des accords sur les revendications territoriales. Les Autochtones ont des points de vue complexes et variés quant au bien-fondé de la politique du DEPS. Ils soulignent toutefois que la politique du DEPS, ou toute modification apportée à cette politique, ne peut se substituer aux engagements et obligations découlant des accords conclus avec le gouvernement fédéral. Les représentants des Autochtones affirment que leurs parts actuelles de crevette nordique sont loin de constituer une quantité raisonnable si l’on tient compte de leur contiguïté à la ressource ou même des niveaux prévus dans les différents accords. Certains groupes ont de graves inquiétudes au sujet de la politique du DEPS. Ils font état de la vulnérabilité de leurs allocations spéciales si l’abondance de la crevette continuait de décliner au point d’exiger leur retrait de la pêche.

D’autres groupes, par contre, appuyaient la politique du DEPS, tandis que d’autres encore maintenaient que cette politique devrait être un concept souple qui s’appliquerait dans certaines ZPC, mais pas dans d'autres. Les différences d’opinions concernant la politique se répartissent entre deux camps : d’un bord, les organisations autochtones qui détiennent un ou plusieurs permis de pêche hauturière « traditionnelle » et qui soutiennent la politique, avec ou sans modifications; de l’autre, les organisations qui dépendent principalement ou exclusivement des allocations spéciales pour l’accès à la pêche et qui s’opposent à la politique.

Le MPO est d’avis que la politique du DEPS est compatible avec les accords qui ont été conclus entre les groupes autochtones et le gouvernement fédéral et qu’elle respecte ces ententes dans la forme dans laquelle elle est actuellement appliquée. Autrement dit, le Ministère estime que la politique du DEPS peut être appliquée aux groupes autochtones et qu’elle permettra de retirer l’accès de ces derniers lorsque les seuils seront atteints sans contrevenir aux accords sur les revendications territoriales, à d’autres ententes ou à des obligations légales.

Le Comité est conscient qu’il n’est pas de son rôle de fournir une évaluation juridique de la politique du DEPS et de ses répercussions sur les accords conclus avec les Autochtones, répercussions qui, comme certains groupes le soutiennent, vont à l’encontre de leurs droits. Cette tâche ne lui a pas été demandée dans le cadre de son mandat, et le Comité n’est pas équipé pour la mener à bien. Néanmoins, certains groupes autochtones ont observé, lors de l’examen des dispositions apparentes actuelles de la politique du DEPS, que l’on peut s’attendre à ce que les politiques gouvernementales soient adaptées et modifiées au fil du temps, à mesure que les conditions et les circonstances évoluent. Selon eux, cette considération doit jouer un rôle important dans l’examen de la politique du DEPS et du respect des intérêts autochtones.

Nous avons aussi conclu qu’il s’agissait d’une question de politique importante. Pendant combien de temps les dispositions établies pour protéger ceux qui ont participé à l’essor de la pêche devraient-elles être en place? En particulier, étant donné l’évolution des relations du Canada avec les peuples autochtones et l’environnement juridique actuel, nous estimons que cette question devra être réévaluée en temps et lieu. Dans ce sens, nous sommes particulièrement préoccupés par les effets qu’a la politique du DEPS sur l’accès des Autochtones à la crevette, en particulier les effets qui découlent des allocations spéciales. Si les populations de crevette devaient continuer de décliner dans d’autres ZPC, les dispositions de la politique exigeraient le retrait des Autochtones ayant fait leur entrée plus tardivement. Cela semble incompatible avec la politique énoncée par le gouvernement à l’appui de l’accès des Autochtones à la pêche. Ces dispositions, si elles étaient mises en œuvre, réduiraient encore plus le taux de participation déjà très faible de la part des Autochtones situés le plus près de la ressource.

6.5 Répercussions et avantages

Parmi les considérations importantes dont il faut tenir compte, citons la contribution des deux secteurs au produit intérieur brut (PIB) des économies provinciales et canadienne, les services connexes ou les effets multiplicateurs découlant des activités de ces secteurs ainsi que les impacts relatifs et l’importance des pêches pour les communautés rurales. Le Comité a reçu une documentation substantielle sur ces questions. Il a entendu de nombreuses histoires personnelles quant aux avantages de la pêche et aux répercussions d’un maintien ou d’une modification de la politique du DEPS.

Nous constatons que les deux secteurs sont importants pour les économies locales et régionales et qu’ils contribuent à soutenir la structure et la cohésion sociales de leurs communautés. Le Comité a pris connaissance du débat quant au secteur qui, au sein de cette pêche, a produit les plus grands avantages économiques. Nous estimons que ces deux secteurs contribuent de façon importante à l’économie. Nous avons conclu que nous aurions peu à gagner à pousser plus loin les analyses et qu’il ne serait pas pratique, à ce stade-ci, de mener davantage de recherches sur cette question.

De plus, selon les renseignements que nous avons reçus au cours de réunions publiques, il est clair que des réductions des prises de crevette auront des impacts négatifs, sur les plans de l’emploi et du revenu, sur les deux secteurs de pêche (hauturière et côtière) et, par conséquent, sur les communautés qui profitent des services et des impôts découlant de cette industrie. Cependant, nous sommes arrivés à la conclusion que les impacts de nouvelles réductions des prises sur les communautés seront disproportionnés. Les communautés autochtones, en particulier, seront durement touchées, car elles disposent souvent de très peu d’autres possibilités d’emploi ou de redevances provenant des prises de crevette pour stimuler leur développement local. Ainsi, nous avons conclu que les réductions touchant la pêche côtière auront un impact évident sur les communautés rurales, en particulier à Terre‑Neuve-et-Labrador, et que ces impacts seront probablement supérieurs à ceux qu’a connus la pêche hauturière. Cela est dû à la concentration et au plus grand nombre de pêcheurs côtiers qui vivent dans ces communautés et aux avantages connexes, en comparaison du nombre moindre de participants à la pêche hauturière, qui ont tendance à être dispersés et qui résident dans de nombreuses communautés, principalement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais aussi à l’extérieur de la province.

À propos de cette question importante, nous désirons dire que, même si l’évaluation des impacts et des avantages a en grande partie fait l’objet d’un débat polarisé, nous sommes frappés par la similitude de l’importance respective des secteurs côtiers et hauturiers dans certaines régions. Néanmoins, dans la plupart des régions où la flottille côtière débarque ses crevettes, l’impact du secteur hauturier sur l’économie locale de ces mêmes régions est modeste par rapport à celui du secteur côtier. Dans le sud du Labrador, cependant, il est clair que chaque secteur a eu et continue d’avoir un impact très positif sur l’économie locale. Il est difficile de surestimer l’importance, pour la côte du Labrador (de Cartwright à L’Anse-au-Clair), de la Labrador Fishermen’s Union Shrimp Company et des deux permis de pêche hauturière à la crevette qu’elle détient. Nous avons été informés que les avantages conférés par la pêche hauturière sont extrêmement importants. Ces avantages n’auraient pu voir le jour en l’absence de ces deux permis de pêche hauturière. Ceux-ci offrent au secteur la possibilité de pêcher toute l’année durant et de générer des recettes qui ont été une source de profits pour l’entreprise et de revenus pour les populations locales. Ces avantages sont certainement plus visibles.

De même, dans le cas de la flottille côtière 2J, compte tenu de sa contiguïté à la ressource dans la ZPC 6, il est difficile d’imaginer un scénario raisonnable où cette flottille serait retirée de la pêche et où l’usine de transformation de Charlottetown serait obligée de fermer pendant qu’une pêche hauturière se poursuivrait pratiquement à ses portes.

Même si nous sommes d’avis que nous assisterons à un effet disproportionné des réductions supplémentaires des prises de crevette sur les communautés qui dépendent de la pêche côtière, nous sommes conscients que la pêche hauturière a fourni des retombées économiques réelles, positives et durables dans les communautés.

Le Comité conclut que, à la lumière des impacts et des avantages, il n’existe aucune raison valable de retirer l’un ou l’autre des secteurs de la pêche. Au contraire, de solides arguments justifient l’adoption de politiques qui faciliteraient le maintien des deux secteurs.

6.6 Interprétation et application des principes de la contiguïté, de l’attachement historique et de la viabilité économique

Nous n’entretenons que peu de doutes quant aux principes clés que la plupart des participants à nos processus publics présentent comme étant cruciaux pour expliquer leur position à l’égard de la politique du DEPS. Le Comité a reçu une orientation sur la définition des principes de la politique ministérielle quant aux nouveaux critères d’accès découlant des recommandations du Groupe indépendant sur les critères d’accès (GICA). Nous avons approfondi cette question dans nos recommandations. Aux fins de notre exposé, nous relevons ici les principales observations que nous avons tirées des discussions publiques portant sur ces principes.

Nous avons observé que l’intensité et la diversité des opinions concernant la politique du DEPS pouvaient souvent être liées aux interactions et aux différences dans la définition et le poids donnés à la contiguïté, à l’attachement historique et à la dépendance économique. Nous sommes d’avis que ces trois principes ont tendance à être interprétés et appliqués d’une manière qui renforce les perspectives de chacun, qu’il s’agisse de soutenir ou de maintenir l’accès historique actuel à la crevette (et, donc, le maintien de la politique du DEPS) ou d’encourager le transfert de cet accès (et, donc, l’abolition de la politique). De ces trois principes, la contiguïté est celui qui a été le plus souvent souligné en tant que considération primordiale dans la détermination de l’accès. Ce principe a été surtout préconisé par les parties qui sont situées à plus forte proximité de la pêche et qui, souvent, ont le moins de possibilités de pêcher à l’extérieur de leur région immédiate. Par contre, les parties qui sont situées à plus grande distance des aires de pêche ont plus tendance à mettre l’accent sur l’attachement historique comme facteur clé. Malgré tout, l’ensemble des parties intéressées ont souligné les avantages économiques de l’accès et l’impact d’une réduction éventuelle des parts.

Quelques observations supplémentaires sur cette question essentielle s’imposent. Nous constatons qu’à plus d’une occasion, des participants à des réunions publiques, lorsqu’ils ont réfléchi aux résultats actuels de l’attribution des allocations, ont posé la question suivante : « Comment en sommes-nous arrivés là? » Nous posons donc la question corollaire suivante : « Obtiendrions-nous le même résultat si la pêche devait débuter aujourd’hui? » Tandis que le rapport du GICA laisse entendre que la contiguïté devrait avoir plus de poids pour le secteur côtier et dans le nord et que l’attachement historique devrait avoir plus de poids pour le secteur hauturier, nous avons observé, dans notre examen des résultats de l’attribution des allocations, que cette pratique n’a pas été appliquée de façon uniforme tant par le passé que dans une époque plus récente. Par exemple, notre examen des tables des allocations a clairement mis en lumière l’attachement historique comme ayant préséance dans le golfe du Saint-Laurent et dans le Nord. Toutefois, dans les autres régions, le critère de la contiguïté, qui devrait être décisif, a été appliqué d’une manière moins cohérente et prévisible. De plus, des permis de pêche à la crevette nordique étaient délivrés aux résidents de la côte du Labrador, du Nunavik et du Nunavut avant même que ces derniers sachent vraiment qu’ils avaient la possibilité, voire la capacité, de se lancer dans l’exploitation de la ressource.

Toutefois, les informations que nous avons reçues des groupes autochtones semblent indiquer que la situation a changé et que les Autochtones désirent obtenir un meilleur accès, conformément au principe de la contiguïté.

Le Comité conclut que les différences dans la façon dont ces principes sont perçus et le manque de cohérence dans leur application sont fondamentales. Ces différences peuvent expliquer, dans une vaste mesure, le point de vue fortement répandu et investi que nous avons observé à l’égard de la politique du DEPS. Nous avons aussi conclu que la politique actuelle du MPO relative aux allocations ne pouvait régler les problèmes de longue date concernant l’accès aux ressources halieutiques contiguës, en particulier l’accès par les groupes autochtones.

L’approche actuelle porte sur le partage des allocations, principalement dans le contexte d’une augmentation du TAC. Nous sommes d’avis que ce problème sera exacerbé par l’adoption d’une politique du DEPS qui retire l’accès en cas de diminution des quotas.

6.7 Crevette de qualité industrielle

Lors de nos réunions, la gestion de la disponibilité future de la crevette de qualité industrielle destinée aux usines de transformation canadiennes a été mentionnée à plusieurs reprises comme représentant une occasion importante d’atténuer le déclin des récoltes de crevette. Les usines côtières pourraient profiter directement de ce type de gestion, dans le respect des modalités de la politique du DEPS.

Certains renseignements de base sur cette idée devront être obtenus. Même si la pêche hauturière au moyen de chalutiers-usines permet principalement d’obtenir des produits prêts à commercialiser au moment du débarquement, il reste une partie importante des prises (généralement désignée sous le nom de la crevette de qualité industrielle) qui doit subir une transformation plus poussée après le débarquement avant de pouvoir être mise en marché. Les quantités débarquées de crevette de qualité industrielle varient selon le secteur, la saison et l’année, mais s’établissent approximativement à 20 % des débarquements. Cette crevette, une fois débarquée, est envoyée à une usine de décorticage, où elle est décongelée, cuite, décortiquée, recongelée puis conditionnée pour la mise en marché. En raison des tarifs prohibitifs pratiqués dans l’Union européenne, la plus grande partie de la crevette de qualité industrielle a été historiquement envoyée à des usines de transformation de la crevette du Danemark, de la Norvège et de l’Islande. Ces pays jouissent d’un accès préférentiel en raison des tarifs bas ou inexistants pour l’entrée dans l’Union européenne, tarifs dont les transformateurs canadiens ne peuvent profiter. L’accord de libre-échange récemment négocié entre l’Union européenne et le Canada doit encore être ratifié par les États membres de l’UE et notre pays. Une fois mis en application, cet accord éliminera ces tarifs au fil du temps et offrira aux transformateurs canadiens le même accès au marché de l’UE que celui dont profitent le Danemark, la Norvège et l’Islande.

Le Comité a observé que la suppression de ces tarifs pourrait présenter des possibilités importantes, pour les usines de transformation côtières, d’acheter des crevettes qui, autrement, ne seraient pas accessibles. Cette occasion leur permettrait d’équilibrer leur production pendant des périodes de ralentissement. Ceci pourrait être une avancée positive dont nous espérions la réalisation. Cependant, nous observons également que même si cette possibilité se réalise, il restera encore du chemin à parcourir. Les effets ne seraient pas immédiats sur les enjeux que de nombreux intervenants ont portés à notre attention à l’occasion de notre examen de la politique du DEPS.

Qui plus est, notre Comité propose qu’un processus soit mis en place pour réunir les principales parties intéressées au Canada sur cette question afin d’élaborer une stratégie et un plan d’action en vue d’apporter des changements qui tiendront compte de la possibilité d’une disponibilité accrue de la crevette de qualité industrielle.

6.8 Allégations relatives aux « poissons sur papier »

La question de la crevette hauturière non récoltée dans les régions situées les plus au nord des ZPC 0 et 1 (entre le Nunavut et la frontière du Groenland) a été soulevée à plusieurs reprises au cours de nos discussions publiques. Beaucoup ont affirmé que ce quota de crevette est « laissé dans l’eau » en partie du fait que la pêche hauturière dispose d’allocations plus facilement accessibles et lucratives dans le sud, principalement dans la ZPC 6.

Les promoteurs de cette position maintiennent en outre que les titulaires de permis de pêche hauturière disposent d’un très bon quota pour l’exploitation de la ressource et que toute réduction de leur accès dans les secteurs situés plus au sud, comme la ZPC 6, n’aura que peu d’effet, voire aucun, sur leurs activités. Pour leur part, les parties intéressées du secteur de la pêche hauturière ont observé que l’existence de ce quota non récolté peut être imputable à trois causes : la position de négociation actuelle du Canada concernant son point de vue des modalités de partage appropriées pour les populations de crevette qui se trouvent à cheval sur la frontière entre le Canada et le Groenland; la disponibilité de la crevette dans la zone canadienne en raison de changements survenus dans la répartition dans la ZPC 1; la nature exploratoire de la pêche dans la ZPC 0.

À ce sujet, le Canada et le Groenland sont en désaccord quant au partage de la crevette dans la ZPC 1, les deux parties établissant leurs quotas respectifs selon ce que chacun estime comme constituant une entente de partage appropriée. De plus, en raison de la récolte insuffisante, le MPO a conservé les allocations octroyées en vertu de permis individuels à un niveau qui, au total, dépasse le TAC pour la ZPC 1, en ajoutant que la pêche sera fermée lorsque l’ensemble du TAC aura été pris. En ce qui concerne la question de savoir pourquoi les prises de crevette ont été faibles ou inexistantes au cours des dernières années, on nous dit que cela est dû à la répartition de la crevette et à sa disponibilité. La zone économique exclusive (ZEE) du Groenland englobe la presque totalité du plateau, qui correspond à la zone où la crevette est principalement présente. Ainsi, la pêche canadienne est, de nature, une pêche opportuniste. Les navires canadiens peuvent parfois accéder à la ressource, en général lorsque l’eau, la glace et les conditions environnementales occasionnent un déplacement temporaire d’une partie de la ressource de crevette du côté canadien de la ligne de division, dans la ZEE canadienne.

Nous constatons que sur 20 ans, en moyenne, la pêche hauturière prend environ 28 % du TAC dans la ZPC 1 (ou 3600 tonnes annuellement). La variabilité est toutefois grande d’une année à l’autre. Nous notons que les prises des trois dernières années ont été négligeables. Ceci survient à un moment où ces prises auraient été utiles pour compenser les réductions de quota dans le sud.

De plus, dans la ZPC 0, un TAC de 500 tonnes n’a jamais été totalement pris. Cette zone se trouve à l’extrême-nord de la baie de Baffin et est l’une des régions les plus éloignées de l’Atlantique Nord-Ouest. Le Comité a été informé que, même dans les meilleures années, l’accès à cette zone est limité par la présence d’une banquise saisonnière datant de plusieurs années à une courte période de quelques semaines.

Même si une certaine pêche exploratoire a eu lieu, le succès a été très limité. Compte tenu de la distance par rapport aux autres lieux de pêche dont la viabilité a été éprouvée, du coût de la pêche exploratoire et de la courte saison dans laquelle l’exploitation est possible, le potentiel de la ZPC 0 est probablement très limité.

Le Comité accepte l’explication selon laquelle l’accès au quota disponible est opportuniste. Il conclut qu’il est erroné de supposer d’office que les exploitants hauturiers disposent de quotas inutilisés qui pourraient être pris dans les ZPC 0 et 1. À la lumière des ressources actuelles, les changements proposés à l’accès dans le sud ne peuvent pas, de manière fiable, être mis en place par l’utilisation de TAC non utilisés dans le nord. Souvent, ces allocations ne pourront être prises et seront, de ce fait, des « poissons sur papier ».

En outre, le Comité doit se demander s’il est approprié de répondre à l’argument avancé par un groupe quant à la contiguïté en déplaçant l’effort de pêche vers une zone adjacente à un territoire qui présente une proportion moins importante de ressources contiguës.

6.9 Préséance – Stabilité de l’accès et ses répercussions

Certains ont informé le Comité que la politique du DEPS a apporté de la stabilité à l’accès et a permis la prise de décisions commerciales appropriées pour la pêche à la crevette nordique. De plus, des parties intéressées du secteur de la pêche hauturière ont proposé que tout changement apporté à la politique du DEPS aurait pour effet non seulement de déstabiliser le régime d’accès et d’allocation au sein de la pêche à la crevette, mais donnerait aussi lieu à un précédent avec d’autres dispositions visant d’autres espèces, ce qui provoquerait un effilochage des mesures de sécurité qui pourraient actuellement être en place.

Dans son examen de cette question, le Comité a demandé des informations sur l’étendue de l’application de la politique du DEPS dans la pêche relevant de la responsabilité du ministère des Pêches et des Océans. À notre connaissance, aucune autre politique de ce type n’existe dans les pêches canadiennes, en dehors de la pêche à la crevette nordique. Au moins l’un des présentateurs était d’avis que la pêche au crabe dans le golfe et la pêche à la morue dans 2J3KL pourraient être considérées comme des exemples de pêches dans lesquelles cette politique était appliquée. Cependant, de l’avis du Comité, cela est ardu à établir du fait qu’aucune de ces pêches n’est définie par le Ministère comme étant visée par une politique du type « dernier entré, premier sorti ». De plus, certains permis provisoires associés à ces pêches ne contenaient pas de dispositions conformes à celles qui sont utilisées dans la politique du DEPS pour la pêche à la crevette nordique.

Nous comprenons l’importance d’avoir des régimes stables en matière d’accès et d’allocations. Nous comprenons aussi la nécessité de mettre en place un environnement commercial solide. La stabilité de l’accès et des allocations est un objectif du MPO, des provinces, des territoires et des flottilles depuis de nombreuses années. Bien qu’il soit incontestable que la politique du DEPS offre effectivement une sécurité d’accès et que, de ce fait, elle soit une source de sécurité, à notre avis, le secteur de la pêche hauturière est le principal bénéficiaire de cette stabilité.

On peut prétendre que la politique du DEPS fournit une sécurité aux autres participants du fait que leur participation à la pêche est soumise à des niveaux de TAC explicites et que cette participation prendrait fin en vertu d’autres scénarios de TAC explicites. Toutefois, cela nous semble être une interprétation fausse ou du moins trompeuse de ce que l’on entend par stabilité. Cette interprétation ne tient pas compte du fait que nous avons été invités à revoir la politique du DEPS parce que ses dispositions, pour diverses raisons, y compris celles énumérées ci-dessus, sont contestées. Bref, pour au moins un groupe important, les dispositions ne fournissent pas la sécurité d’accès voulue.

En ce qui concerne les effets potentiels découlant des dispositions relatives à l’accès et aux allocations visant d’autres espèces si la politique du DEPS devait être modifiée, nous sommes conscients des nombreux litiges, juridiques et autres, qui sont en cours ou qui ont eu lieu à l’égard du régime d’accès et d’allocations. Rien ne nous indique que ces litiges sont à l’origine des préoccupations actuelles entourant la politique du DEPS.

En effet, étant donné que la politique du DEPS n’est que peu appliquée à l’extérieur des secteurs de pêche à la crevette nordique, voire pas du tout, il semble trompeur de proposer qu’une politique modifiée aura une incidence sur les dispositions relatives aux allocations visant d’autres espèces. En outre, le Comité estime que les litiges relatifs aux allocations sont imputables à de nombreuses raisons complexes et que le contexte en évolution, l’environnement juridique et d’autres facteurs jouent tous un rôle dans les conflits relatifs aux allocations. De l’avis du Comité, cette affirmation discrédite encore plus la prétention selon laquelle une modification de la politique du DEPS occasionnera automatiquement l’apparition de litiges relatifs à d’autres dispositions.

6.10 Allocations spéciales

Le Comité a été frappé par la pléthore et la complexité des dispositions relatives à l’accès à la crevette nordique, surtout celles qui incluent la catégorie des allocations spéciales. Le Comité désire présenter ses observations à l’égard de cette catégorie d’accès, mais commencera tout d’abord par donner quelques renseignements de base sur la nature des dispositions, sur les différentes parties en cause et sur la façon dont ces dernières en sont venues à intervenir dans ce dossier.

Depuis 1997, le MPO utilise les allocations spéciales pour l’octroi d’un accès temporaire à la pêche à la crevette nordique à l’intention des Autochtones, des groupes communautaires et de certains secteurs de la flottille côtière. Le regroupement de ces divers groupes aux objectifs souvent divergents dans la catégorie des allocations spéciales semble reposer sur la volonté de ne pas augmenter la capacité « permanente » de récolte et de se limiter à la capacité de la flottille hauturière « traditionnelle ». À quelques exceptions près, la récolte visée par l’ensemble des allocations spéciales a été effectuée par la flottille hauturière, principalement en échange du versement de redevances au détenteur des allocations spéciales par le titulaire du permis de pêche hauturière qui a effectué la récolte visée par l’allocation. L’autre caractéristique importante des allocations spéciales est qu’il s’agit d’allocations établies à la tonne et non en pourcentage des parts de la pêche. À ce titre, ces allocations n’augmentent ni ne diminuent à mesure des fluctuations du TAC global tant que les seuils ne sont pas atteints, après quoi l’accès est retiré en vertu de la politique du DEPS.

Pour faciliter son examen, le Comité a divisé la catégorie des allocations spéciales en quatre groupes : titulaires de permis de pêche contigus à la ressource, titulaires de pêche communautaire, titulaires de permis de pêche autochtone et pêcheurs côtiers touchés.

  1. Les titulaires de permis de pêche contigus à la ressource comprennent la Coalition nordique, laquelle compte cinq titulaires de six permis de pêche hauturière qui, d’après leur présentation au Comité lors de la réunion de Happy Valley-Goose Bay, ont décidé en 1996 de collaborer afin d’obtenir une plus grande part des quotas de crevette qui affichaient un potentiel de croissance dans leurs eaux contiguës. L’argument des titulaires de ce groupe est qu’ils sont situés « plus près » de la ressource que les titulaires de permis de pêche hauturière « traditionnelle ». Ils considèrent qu’ils doivent recevoir une attention différente lorsque des augmentations des quotas sont envisagées et qu’ils devraient donc recevoir une part plus importante que les huit autres titulaires de permis de pêche hauturière « non contigus » à la ressource. En 1997, les membres de ce groupe ont reçu des allocations de 6120 tonnes dans la zone 5. Cette allocation a été partagée au prorata entre les titulaires de permis en fonction des parts de permis qui sont détenues et exploitées par chaque entité.
  2. Les organisations communautaires se composent de groupes tels que le St. Anthony Basin Resources Inc.  (SABRI), qui a reçu ses allocations en 1997. De façon générale (mais pas toujours), les allocations étaient étroitement liées aux communautés locales contiguës, qui ont toutes mis l’accent sur le fait qu’elles réinvestissaient le produit tiré des allocations dans le bien de l’ensemble de leurs membres. Ces allocations ont été, à quelques exceptions près, récoltées par le secteur de la pêche hauturière en échange du versement de redevances, de la conclusion d’ententes concernant l’affectation des équipages et, parfois, de la participation à la transformation à terre.
  3. Les organisations autochtones, y compris les Inuits du nord du Labrador, du Québec et du Nunavut, les Innus du Labrador, les Inuits du sud du Labrador et la Première Nation de Miawpukek du sud de Terre-Neuve, ont reçu des allocations spéciales qui couvrent l’ensemble des ZPC. Ces allocations ont été octroyées dans le cadre de l’objectif du gouvernement fédéral d’accroître la participation autochtone à la pêche à la crevette nordique. Les titulaires de permis de pêche autochtone affirment que leurs droits (issus ou non de traités) les autorisent à accéder aux ressources contiguës à leur territoire d’attache et soulignent en outre la disparité qui existe entre la part qui leur a été octroyée dans l’accès et celle accordée aux groupes non autochtones et dont l’emplacement est non contigu à la ressource.
  4. Les parties intéressées du secteur de la pêche côtière incluent des groupes situés sur la côte sud du Labrador, la péninsule septentrionale de Terre-Neuve et la Basse-Côte-Nord, au Québec, qui ont reçu des allocations dans les ZPC 5 et 6. Ces allocations ont été octroyées pour compenser l’impact de la perte de ressources de poisson de fond pour les pêcheurs qui n’ont pu récolter de crevette dans la flottille des navires de pêche côtière de taille inférieure à 65 pieds. Les allocations ont été principalement pêchées en haute mer, et les recettes provenant des redevances ont été versées directement aux pêcheurs sous forme de revenus provenant de la pêche.

Le Comité a plusieurs observations à formuler relativement aux allocations spéciales, mais constate que, dans l’ensemble, les allocations ont été mises en place pour résoudre les inégalités et les plaintes qui ont été soulevées à la suite du développement de la pêche à la crevette nordique. Nous sommes d’avis que ces dispositions ont été bénéfiques et que la plupart des avantages qu’elles suscitent se poursuivent à ce jour.

Nous avons donc du mal à comprendre pourquoi, en l’absence d’un engagement substantiel de fonds pour le rachat des permis et le transfert des parts correspondantes de crevette aux Autochtones, une politique exigerait des Autochtones titulaires de permis qu’ils se retirent de la pêche si l’abondance de la crevette devait décliner suffisamment pour justifier un tel retrait, tandis que cette même exigence ne s’appliquerait pas aux titulaires non autochtones. À notre avis, ce résultat potentiel, qui ne donne aucun égard à la perspective des Autochtones quant à la priorité de leur droit d’accéder à la ressource, est incompatible avec la position énoncée par le gouvernement fédéral, qui doit être de soutenir la participation autochtone à la pêche.

Nous sommes persuadés que les allocations spéciales octroyées aux titulaires de permis contigus à la ressource et aux titulaires de permis communautaires ont donné lieu à des avantages économiques importants pour les régions. Nous observons peu de différence entre les avantages découlant des allocations octroyées à SABRI, dans le nord de Terre-Neuve, à la Labrador Fishermen’s Union Shrimp Company, dans le sud du Labrador, ou à la Coalition nordique.

Les allocations spéciales aux « pêcheurs côtiers touchés », pour leur part, nous semblent être les moins justifiées parmi les quatre groupes. Tandis qu’un accès temporaire à la crevette aurait pu être approprié à l’époque pour compenser la perte enregistrée dans la pêche à la morue, notre concluons que le maintien de l’accès ne peut être qualifié comme présentant une importance stratégique pour l’ensemble de la pêche. Nous n’estimons pas non plus que les membres de ce groupe offrent les mêmes avantages économiques régionaux que ceux des autres groupes du fait qu’ils sont situés dans des secteurs également exploités par des détenteurs d’allocations spéciales ou des titulaires de permis octroyés à des fins communautaires.

6.11 Allocations pour la recherche scientifique dans les ZPC 4 et 5

À l’occasion de nos consultations publiques, le Comité a été sensibilisé aux problèmes concernant les allocations de crevette réservées à la recherche scientifique dans les ZPC nordiques. Afin de mieux comprendre l’état de la ressource dans les ZPC 4 et 5, le MPO et l’industrie hauturière ont œuvré en collaboration pour mener des relevés scientifiques. Ceux-ci ont d’abord été entrepris par le Ministère, qui a accordé les allocations de crevette des ZPC 4 et 5 à la flottille hauturière et qui a utilisé les revenus de ces allocations pour couvrir le coût des relevés. De 2003 à 2006, dans la ZPC 4, l’allocation à des fins de recherche scientifique était de 1125 tonnes et, dans la ZPC 5, elle était de 2500 tonnes.

Par la suite, un jugement de la cour (la décision Larocque) a interdit au Ministère d’utiliser les allocations de poisson (y compris de crevette) pour payer les programmes gouvernementaux tels que la recherche. En conséquence, les relevés ont d’abord été payés à partir des fonds du MPO, puis, à partir de 2007, les allocations à des fins de recherche dans les ZPC 4 et 5 ont été converties en quotas hauturiers devant être pêchés de façon concurrentielle dans la flottille. En 2013, à la suite de modifications apportées à la Loi sur les pêches, le Ministère a obtenu l’autorisation légale d’allouer du poisson à des fins de recherche scientifique et a alloué 1700 tonnes à la Northern Shrimp Research Fundation (NSRF). En même temps, dans la ZPC 5, le Ministère continue d’effectuer des relevés scientifiques en utilisant des fonds internes.

Pour la sélection des navires qui pêchent pour le compte de la NSRF dans la ZPC 4, la politique adoptée par le MPO est que ceux-ci doivent avoir obtenu l’appui majoritaire de tous les détenteurs de quotas de la ZPC. En pratique, cela signifie que le quota de la NSRF est récolté par la pêche hauturière.

Le quota concurrentiel hauturier et les ententes prises avec la NSRF ont déclenché diverses réactions. Certaines parties intéressées ont fait part de leurs inquiétudes liées au fait que la pêche hauturière dispose de l’accès exclusif aux allocations hauturières concurrentielles qui avaient été initialement établies afin de soutenir et de mener la recherche, mais qui sont désormais devenues des allocations pour le secteur hauturier. Des représentants du Nunatsiavut ont exprimé leur mécontentement causé par la décision, prise en 2013, d’allouer à la NSRF un TAC de crevette accru, ce qui a représenté une occasion perdue d’augmenter les allocations autochtones, dont les parts étaient faibles tandis que leur contiguïté à la ressource était indiscutable. De leur côté, les représentants de la pêche hauturière ont insisté sur l’importance de l’allocation de la NSRF pour l’obtention de l’information essentielle à la gestion de la ZPC 4 et des zones d’évaluation de l’ouest et de l’est. Ils ont également expliqué les avantages de leur collaboration avec le MPO ainsi que de l’intendance partagée que les relevés ont suscitée.

Malgré la complexité du récent historique de la façon dont la recherche a été entreprise et payée dans les ZPC 4 et 5, le Comité comprend la nécessité d’évaluer l’abondance de la crevette de même que l’importance des allocations de la NSRF. Nous notons également que le degré d’importance peut changer avec le temps. En même temps, nous acceptons le point de vue présenté par certains groupes autochtones selon lequel la décision d’établir la NSRF démontre qu’une occasion d’augmenter leurs parts a été perdue.

C’est avec ce contexte à l’esprit que nous nous penchons sur les quotas concurrentiels hauturiers. Initialement, ces allocations avaient été établies pour soutenir les relevés scientifiques, mais elles ont depuis été absorbées dans la part de la pêche hauturière et elles sont pêchées comme faisant partie de la pêche commerciale ordinaire du secteur. Le Comité trouve difficile de comprendre comment ce résultat peut être réconcilié avec l’intention première de l’établissement des allocations. En outre, la décision de diriger les allocations de recherche vers la pêche hauturière apparaît, avec le recul, avoir été basée sur l’attachement historique, tandis qu’on n’a accordé que très peu d’importance, voire aucune, à la contiguïté de la ressource. Nous en avons conclu qu’il est temps de revoir les allocations concurrentielles hauturières et de trouver un mode de répartition qui soit plus équilibré. Du point de vue du Comité, ce mode de répartition devrait accorder des allocations à tous les groupes de façon à refléter l’importance à la fois de l’attachement historique et de la contiguïté de la ressource et, ainsi, à fournir des motifs plus convaincants et durables de maintenir ces allocations.

6.12 Allocations spéciales pour les prises dans la ZPC 6

Durant les consultations publiques, en particulier à Terre-Neuve-et-Labrador, le Comité a été informé du vaste appui donné à l’allocation spéciale communautaire accordée à St. Anthony Basin Resources Inc. (SABRI) dans la ZPC 6. En même temps, certains présentateurs ont proposé que l’allocation soit modifiée de façon à être récoltée par le secteur de la pêche côtière plutôt que par celui de la pêche hauturière, ce qui a constitué une exigence jusqu’à maintenant, à quelques exceptions près.

Pour ce qui est du contexte, comme nous l’avons mentionné précédemment, les allocations spéciales sont, sauf exception, récoltées par la flottille hauturière. Cette entente a permis d’éviter les hausses dans la capacité de pêche, en plus d’être conforme à la politique ministérielle de séparation des flottilles qui s’applique aux pêches côtière et hauturière.

L’allocation de SABRI a tout d’abord été récoltée par un titulaire de permis de pêche hauturière versant des redevances en échange de l’accès. En un an seulement, selon ce que nous comprenons, le quota de SABRI a été récolté par des navires côtiers et débarqué à l’usine de crevettes St. Anthony Seafoods, dont SABRI et Clearwater sont les principaux actionnaires. SABRI a demandé une dérogation à la politique, qui exige que la récolte des allocations spéciales soit effectuée par l’un des titulaires de permis hauturiers déjà autorisés. Ceux qui soutiennent l’idée que l’allocation de SABRI doit être récoltée par le secteur de la pêche côtière affirment que si l’allocation était rendue accessible exclusivement aux pêcheurs côtiers, cela aiderait à atténuer les effets des quotas en déclin. De surcroît, ils maintiennent que la pêche côtière est capable de fournir des recettes sous forme de redevances comparables à celles que SABRI reçoit de la pêche hauturière.

Le Comité comprend bien comment, historiquement, les allocations spéciales en sont venues à être récoltées par la flottille hauturière. Toutefois, nous estimons que les conditions qui ont donné lieu à cette décision ont changé. Les permis de la flottille côtière sont désormais permanents, et c’est pourquoi nous ne voyons plus la nécessité d’empêcher la flottille côtière de pouvoir récolter les allocations spéciales. Toutefois, nous sommes préoccupés par l’idée que les allocations spéciales devraient nécessairement être récoltées par la flottille côtière. Cela nous semble revenir à remplacer une entente exclusive par une autre, et nous ne sommes pas persuadés que les raisons qui nous ont été données en appui à cette suggestion justifient ce résultat.

De surcroît, nous n'estimons pas qu’il s’agisse d’une approche équilibrée pour répondre aux questions sous-jacentes à la politique du DEPS qui, selon nous, devraient orienter les changements apportés à cette politique.

Tout en nous penchant sur la question de permettre à la pêche côtière de récolter les allocations spéciales, nous gardons à l’esprit les exigences de la politique de séparation des flottilles ainsi que l’inquiétude concernant les impacts concurrentiels sur l’achat. Cette inquiétude porte sur la capacité qu’ont les détenteurs d’allocations spéciales, qui participent au secteur de la transformation, de tirer parti de leurs allocations dans le but d’augmenter leur accès à l’achat auprès de pêcheurs individuels, ce qui donnerait ainsi aux détenteurs d’allocations un avantage concurrentiel sur les autres. La politique de séparation des flottilles est conçue pour empêcher cela, et nous sommes conscients que, selon l’instrument d’accès utilisé, il est possible que cela se produise ici.

Nous concluons que, pour les allocations comme celle de SABRI, l’exigence que la récolte soit obligatoirement effectuée par la pêche hauturière devrait être retirée et que les allocations spéciales dans la ZPC 6 devraient pouvoir être récoltées par la pêche hauturière ou par la pêche côtière. Nous estimons que la décision de récolter les allocations avec des navires côtiers devrait être la prérogative du détenteur d’allocations spéciales, mais toutes les ententes doivent respecter les politiques de séparation des flottilles du MPO et les exigences d’intégration verticale dans le secteur côtier. En conséquence, si les détenteurs d’allocations spéciales dans la ZPC 6 décidaient de récolter leur allocation avec des navires côtiers, cela ne devrait pas être permis pour les détenteurs d’allocation qui sont des pêcheurs individuels. Comme cette façon de faire risquerait de perturber l’environnement d’achat concurrentiel de la pêche côtière, l’allocation devrait être récoltée en « bloc » au moyen d’une entente prise auprès du secteur de la flottille côtière semblable à celles conclues pour 3Kn, 3Ks, 2J, et ainsi de suite.

6.13 Considérations relatives à la politique du DEPS

En fin de compte, notre tâche consiste à fournir un avis sur le maintien, la modification ou l’abandon de la politique du DEPS. Dans les paragraphes qui suivent, nous notons d’abord brièvement le contexte d’évolution de la politique, puis nous présentons nos observations sur la question.
À la fin des années 1970, la pêche à la crevette nordique a été mise en place par le secteur hauturier, qui utilisait de gros chalutiers capables de pêcher dans des eaux plus éloignées afin d’explorer et de développer une nouvelle pêche. En 1997, avec l’entrée en jeu d’autres parties intéressées provenant de la pêche côtière auxquelles on a accordé des permis temporaires, certaines dispositions (c.-à-d. des seuils de captures par ZPC en vertu desquels les nouveaux participants devaient quitter la pêche) ont été mises en vigueur. Cette entente reconnaissait les risques personnels et financiers encourus par les exploitants hauturiers dans l’établissement de la pêche et protégeait leurs intérêts dans l’éventualité où les populations de crevette se mettraient à décliner dans le futur. Par la suite, les permis sont devenus permanents en 2007, et les nouveaux titulaires de permis pouvaient combiner les parts de crevette provenant d’autres navires sur une base de 2 pour 1, puis de 3 pour 1. Les dispositions de la politique du DEPS ont été mises en application pour la première fois en 2010, lorsque le déclin des populations de crevette a fait en sorte que le nombre de détenteurs d’allocations spéciales et de parts côtières a été réduit ou que ceux-ci ont été retirés des pêches.

Certaines personnes considéraient la politique du DEPS comme étant vague, peu claire sur la façon de l’interpréter et de l’appliquer. Elles estimaient donc que cette politique manquait de crédibilité et ne devrait pas être reconnue. Si nous laissons de côté la question de savoir si les divers intéressés sont d’accord avec la politique du DEPS, dont nous discuterons ci-après, nous constatons que l’intention de la politique était claire. Même si les règles quant à la façon d’appliquer cette politique sont, dans certains cas, peut-être imprécises ou peu claires, il est évident que le concept lié à la nature temporaire des derniers entrés, subséquemment nommé la politique du « dernier entré, premier sorti », est en place depuis 1997. Il y a peu d’ambiguïté sur ce que ce concept signifiait lorsqu’il a été introduit, et cette approche a été réitérée par le Ministère jusqu’à ce jour.

Certaines personnes allèguent que ceux qui rejettent aujourd’hui la politique du « dernier entré, premier sorti » sont les mêmes qui en ont appuyé l’adoption. Comme on nous a dit : « une entente est une entente ». Quoi qu’il en soit, le secteur côtier et certains groupes autochtones affirment que cet appui à la politique du DEPS a été obtenu de façon forcée ou, encore, que la politique n’a pas été expressément acceptée. Par exemple, nous avons été avisés que, pendant un certain nombre d’années, l’accès à la crevette nordique avait été bloqué par le secteur hauturier et refusé par le MPO. D’autres ont dit qu’on leur avait offert un accès, mais conditionnellement à l’acceptation de seuils. Ces groupes nous ont demandé comment ils peuvent se battre contre les seuils, si cela signifie de continuer à être exclus.

Une partie des motifs avancés par certains de maintenir la politique du DEPS est l’engagement à l’égard de cette politique qui a été pris par les ministres précédents. Cependant, en réalité, le ministre n’est pas limité par les décisions prises par les ministres précédents en matière de politiques. En effet, ces politiques sont l’un des moyens par lesquels les gouvernements font la promotion de leurs intérêts; elles peuvent changer et, en fait, changent avec l’arrivée de nouveaux gouvernements et ministres.

Nonobstant les déclarations du ministre de l’époque et des ministres subséquents selon lesquelles la politique du « dernier entré, premier sorti » n’a pas été touchée par la décision prise par le Ministère en 2007 d’effectuer des changements dans la délivrance de permis, le Comité remarque que la politique du DEPS est incompatible avec les objectifs décrits dans cette décision. Les entreprises de pêche ont été incitées à être autonomes et capables de s’autorationnaliser, et ce sont des objectifs de haut niveau importants, qui continuent à être mis de l’avant par le Ministère pour toutes les pêches commerciales aujourd’hui. De notre point de vue, une révocation de participation à cause de la politique du DEPS est incompatible avec ces objectifs et va à l’encontre de la stabilité de l’objectif relatif aux allocations qui a été défendu par le Ministère dans d’autres politiques telles que la Politique sur les pêches de l’Atlantique.

Même si le Comité comprend les raisons de protéger l’investissement et qu’il reconnaît les risques qui ont été encourus par la pêche hauturière lors de l’établissement de la pêche il y a 38 ans, il conclut que la politique du « dernier entré, premier sorti » n’est pas viable. Il nous semble que les dispositions ministérielles ont plus que réussi à fournir la protection et la sécurité qui étaient recherchées lors de leur adoption. De surcroît, la politique du DEPS semble entrer en contradiction avec certaines politiques ministérielles récentes, comme la Politique sur les pêches en développement, qui décrit les étapes à suivre dans le développement des pêches, depuis les premiers stades de gestion des pêches comportant des contrôles serrés de l’effort et des prises jusqu’aux pêches matures avec un effort et des allocations stables.

Certains ont comparé la politique du DEPS aux protections accordées aux titulaires de brevets pour l’élaboration de produits en affirmant que, tout comme celles-ci, la politique doit avoir une fin.

La question posée au Comité est celle de savoir pendant combien de temps les participants initiaux devraient bénéficier d’une protection en vertu de la politique du DEPS. Selon nos observations, il serait légitime que cette protection s’étende sur un certain nombre d’années, mais celle-ci ne devrait pas toutefois se prolonger indéfiniment. À ce propos, le présentateur Fred Hall, de la Nation des Innus du Labrador, a demandé ceci aux membres du Comité : « La politique du DEPS s’appliquera-t-elle pendant 30 ans, 100 ans ou 1000 ans? Dites-le-moi, je vous prie. »

Pour établir une période d’application de la politique du DEPS qui soit raisonnable et approprié, le Comité a brièvement examiné d’autres affaires commerciales où l’on s’était penché en droit et en pratique sur une période d’application raisonnable pour assurer la protection d’entreprises se lançant dans de nouveaux projets commerciaux. Mentionnons ici deux exemples : la protection accordée par les brevets aux nouveaux produits pharmaceutiques nouveaux et les clauses de non-concurrence. Dans le cas de la protection accordée par les brevets, les politiques établies au Canada et à l’étranger sont de longue date. La réglementation définit les délais réglementaires dont bénéficient les fabricants de nouveaux médicaments avant que les fabricants de médicaments génériques soient autorisés à mettre leurs produits sur le marché.

En règle générale, les tribunaux canadiens ont statué que les clauses empêchant un ancien employé de travailler dans son domaine de prédilection allaient à l’encontre des politiques publiques. Dans un contexte commercial (vente d’une entreprise), les clauses de non-concurrence sont généralement plus contraignantes, mais rappelons que leur portée peut être assujettie à un critère de raisonnabilité. D’ordinaire, on demande à ceux qui souhaitent inclure une clause de non-concurrence à un contrat de ne pas en exagérer la portée et de veiller à ce que celle-ci soit la plus circonscrite possible (à un secteur géographique, p. ex.). Quant à la durée d’une telle clause, il n’est pas jugé acceptable d’empêcher indéfiniment quelqu’un de mener une juste concurrence sur un marché. La clause doit comporter une date d’expiration. Les situations varient mais, en général, plus la période de restriction est courte, plus elle sera susceptible de résister à l’examen le plus rigoureux.

Enfin, bien que nous ayons déterminé que la politique du DEPS n’était pas viable, nous estimons qu’il ne faut tout de même pas abolir la pêche hauturière dans la ZPC 6 et reconnaissons que les deux secteurs de cette zone sont aussi importants l’un que l’autre. Notre conclusion est la suivante : toute approche axée sur le remplacement de la politique du DEPS doit avoir pour résultat l’atteinte d’un équilibre dans la répartition des parts de la pêche à la crevette nordique entre le secteur de la pêche hauturière et celui de la pêche côtière. Cet équilibre doit favoriser la collaboration entre les pêches, assurer une intendance efficace de la ressource et promouvoir le respect des groupes autochtones.

7 Options et recommandations

7.1 Options

Durant le processus de consultation, le Comité a demandé à tous les participants de se pencher sur la question de savoir s’il fallait conserver, modifier ou abolir la politique du DEPS et sur le choix des principes fondamentaux du nouveau régime d’allocation des parts de la pêche à la crevette nordique advenant la modification ou l’abolition de ladite politique. Comme nous l’avons vu précédemment, les participants ont exprimé des points de vue fort différents, souvent influencés par leur position à l’égard de la pêche (pêcheurs de longue date et nouveaux venus, contiguïté de la ressource, détenteurs d’allocations spéciales ou de permis, crevettiers hauturiers, crevettiers côtiers, etc.). Certains participants souhaitaient carrément l’abolition ou le maintien de la politique du DEPS. D’autres participants optaient pour une solution hybride axée sur l’abolition de la politique du DEPS dans certaines ZPC et son maintien dans d’autres ZPC. La plupart du temps, les parties intéressées adoptaient la position qui leur permettait de sauvegarder ou d’optimiser leurs parts respectives de la pêche.

Les positions des intervenants étaient pour la plupart centrées sur le poids relatif à accorder à la contiguïté, d’une part, et à la participation historique à la pêche, d’autre part. Ainsi, les groupes autochtones ont souligné l’importance du respect des accords sur les revendications territoriales et de l’amélioration de l’accès. Si la conservation de la ressource était la priorité absolue de tous, il reste que nous avons observé des divergences au chapitre des prescriptions liées à son amélioration selon que les participants provenaient du secteur de la pêche hauturière ou de celui de la pêche côtière. À la lumière des commentaires reçus, le Comité a pu résumer son avis au moyen de cinq options à évaluer suivantes.

  1. Poursuivre la politique du DEPS dans toutes les ZPC et adopter le statu quo
    • Approche d’exclusion (établissement de seuils pour certains et sortie pour d’autres) en la faveur de la pêche hauturière.
    • Acceptation de la politique du DEPS en tant qu’approche stratégique valable.
    • Préférence accordée à la participation historique dans toutes les zones.
  2. Modifier la politique du DEPS de l’une ou l’autre des manières suivantes :
    1. Abolir la pêche hauturière dans la ZPC 6 et maintenir la politique du DEPS dans les autres ZPC
      • Approche d’exclusion en la faveur de la pêche côtière et de certains détenteurs d’allocations spéciales dans la ZPC 6.
      • Acceptation de la politique du DEPS en tant qu’approche stratégique valable dans les ZPC autres que la ZPC 6.
      • Préférence accordée à la contiguïté dans la ZPC 6. Participation historique dans les zones nord.
    2. Maintenir la politique du DEPS dans la ZPC 6 et établir un régime permanent de répartition proportionnelle des parts de la pêche dans les ZPC 0 à 5
      • Approche d’exclusion dans la ZPC 6 en la faveur de la pêche hauturière.
      • Acceptation de la politique du DEPS en tant qu’approche stratégique valable dans la ZPC 6 mais non dans les ZPC 0 à 5
      • Préférence accordée à la contiguïté dans les zones nord. Participation historique dans les zones sud.
  3. Abolir la politique du DEPS de l’une ou l’autre des manières suivantes :
    1. Abolition de la pêche hauturière dans la ZPC 6 et établissement d’un régime permanent de répartition proportionnelle des parts de la pêche dans les autres ZPC.
      • Approche d’exclusion en la faveur de la pêche côtière dans la ZPC 6 et adoption d’une approche équilibrée dans les autres ZPC.
      • Rejet de la politique du DEPS en tant qu’approche stratégique valable.
    2. Établissement d’un régime permanent de répartition proportionnelle des parts de la pêche dans toutes les ZPC
      • Approche équilibrée dans toutes les ZPC.
      • Rejet de la politique du DEPS en tant qu’approche stratégique valable.

7.2 Évaluation des options : approche fondée sur des principes

Comme nous l’avons mentionné précédemment, tous les intervenants ont une position valable à l’égard de la pêche et la plupart d’entre eux ont utilisé leurs allocations pour créer des entreprises viables qui ont généré des emplois et qui ont permis de tirer de la ressource des bénéfices profitables pour leurs régions et leurs collectivités respectives. En ce sens, la politique du DEPS n’est ni bonne ni mauvaise. Toutefois, les sombres perspectives qui pèsent sur la ressource ont suscité un débat intense sur la méthode qu’il conviendrait d’adopter pour assurer le partage de la réduction des quotas. Naturellement, les opinions sont polarisées. Chacune des parties tente de limiter sa part des difficultés tout en examinant la question à travers sa propre lorgnette. Le Comité a été frappé par la position quasiment unanime quant au caractère à la fois complexe et délicat de la question à résoudre. Presque tous les intervenants nous ont souhaité bonne chance dans l’établissement d’un rapprochement entre les parties.

Conformément à son mandat, le Comité doit formuler des recommandations sur la question de savoir si la politique du DEPS demeure une approche valable pour la gestion de la pêche à la crevette nordique et sur ce que signifierait, le cas échéant, la modification de ladite politique. Au début du processus, le Comité avait déjà conclu que la seule voie à suivre pour la formulation de recommandations était d’adopter une approche fondée sur des principes. Le Comité a donc élaboré des principes (voir les paragraphes ci-après) en s’inspirant de différentes politiques ministérielles, en particulier le nouveau Cadre décisionnel pour l’octroi de nouveaux accès, qui s’inspire à son tour des travaux du Groupe indépendant sur les critères d’accès (GICA). Voici donc notre évaluation des principes fondamentaux sur lesquels nous nous sommes appuyés pour la formulation de nos recommandations.

  1. Conservation
    • Tous les participants conviennent du fait que la conservation doit être une priorité absolue et que la viabilité à long terme de toute entreprise ou collectivité repose sur présence d’une ressource à exploiter. Le Comité constate que la pêche à la crevette nordique est gérée adéquatement au moyen d’un cadre moderne et complet reposant essentiellement sur des avis scientifiques et l’approche de précaution. Tous les participants pratiquent la pêche avec des engins de même type (chaluts à panneaux) et respectent les protocoles mis en place pour limiter autant que possible l’impact de ces engins sur la ressource, l’écosystème et d’autres espèces. Les totaux autorisés des captures (TAC) ont été réduits en fonction d’observations pointant vers le déclin de la biomasse. Toutefois, le Comité estime qu’un certain nombre des questions soulevées pourraient devoir faire l’objet d’un examen plus poussé par le MPO et l’industrie.
    • La première question concerne le niveau d’exploitation et, plus particulièrement, le niveau d’exploitation nécessaire à l’atteinte d’une durabilité maximale pendant la ressource revient à une « nouvelle normalité ».
    • Par ailleurs, les parties intéressées du secteur de la pêche côtière craignent que la pêche hauturière d’hiver dans la ZPC 6 vise des crevettes fécondes. Les représentants du secteur de la pêche hauturière, quant à eux, se préoccupent du niveau de surveillance et de contrôle de la pêche côtière (couverture du programme d’observateurs de 10 %) et se demandent si ce niveau suffira à préserver la ressource dans la ZPC 6. Un examen plus poussé de ces questions par le MPO serait justifié, quel que soit le régime d’allocation finalement choisi pour la pêche. Cependant, le Comité est d’avis que les options donneront pratiquement toutes les mêmes résultats au chapitre de la conservation en supposant qu’on maintienne l’approche de précaution actuellement adoptée à l’égard de la pêche. Le principe de la conservation n’a donc pas une incidence déterminante dans le choix d’une option concernant l’avenir de la politique du DEPS.
  2. Obligations et droits ancestraux
    • Eu égard aux Autochtones, le Comité convient du fait que les décisions concernant l’allocation des parts de la pêche doivent être conformes aux dispositions des accords sur les revendications territoriales des autochtones. Il est également d’avis que nous devrons trouver des manières d’améliorer l’accès des Autochtones aux ressources halieutiques à l’avenir pour qu’on parvienne à combler le décalage entre les collectivités autochtones et non autochtones dans le développement des ressources halieutiques contiguës. L’accès aux ressources halieutiques contiguës est considéré comme un facteur important pour le développement économique des collectivités autochtones touchées.
    • Nous ne sommes pas mandatés pour demander un avis juridique indépendant sur la compatibilité de la politique du DEPS avec les accords actuels. Cependant, le gouvernement fédéral considère que le principe du DEPS est juridiquement compatible avec les accords qu’il a conclus avec les divers groupes autochtones touchés. La politique du DEPS, telle qu’elle est appliquée actuellement, respecte également ces accords. Le Comité n’est pas d’avis, du moins jusqu’à preuve du contraire, que les revendications territoriales ont une incidence déterminante dans le choix d’une option concernant l’avenir de la politique du DEPS.
    • Les opinions des Autochtones sur le bien-fondé de la politique du DEPS sont complexes et variées. Certains groupes ont de graves inquiétudes au sujet de la politique du DEPS et soulignent la vulnérabilité de leurs allocations spéciales au déclin des stocks de crevettes, un déclin qui entraînerait leur retrait de la pêche. Pourtant, d’autres groupes soutiennent la politique du DEPS. La plupart des présentateurs autochtones soulignent que leurs parts actuelles de la pêche à la crevette nordique sont en deçà de ce qui serait raisonnable compte tenu de leur contiguïté à la ressource. Le Comité reconnaît la validité de cette assertion. En effet, dans le passé, les collectivités autochtones n’ont pas su mettre rapidement en valeur les ressources halieutiques dans les zones nord, permettant ainsi aux flottilles des zones plus au sud d’établir leur attachement historique à la ressource. Cette assertion ne sera pas examinée en profondeur, car il n’est pas urgent de le faire dans le cadre du présent examen de la politique du DEPS. Le Comité s’en servira néanmoins pour orienter son évaluation de la politique du DEPS et de ses solutions de rechange.
    • Par ailleurs, selon les observations du Comité, on peut s’attendre à ce que les politiques gouvernementales concernant les groupes autochtones changent à mesure au gré de l’évolution des conditions et des circonstances. Le Comité est d’avis que la politique du DEPS, surtout si elle est mise en œuvre dans les zones nord pendant les périodes de déclin des stocks, se traduira par une réduction des parts attribuées à un certain nombre de groupes autochtones, ce qui portera atteinte au principe lié aux obligations et aux droits ancestraux.
  3. Dépendance historique
    • Pendant les années 1970 et 1980, la pêche a été pratiquée exclusivement par le secteur de la pêche hauturière, principalement dans les zones nord. Or, la pêche a pris de l’expansion dans les zones sud au cours des années 1990 avec l’augmentation de la participation des flottilles côtières et des détenteurs d’allocations spéciales. Les parties intéressées du secteur de la pêche hauturière estiment que leur flottille a été la première à exploiter la ressource dans toutes les ZPC 0 à 6 et que leur attachement plus important à la pêche à la crevette nordique devrait leur garantir non seulement un accès exclusif aux seuils en vigueur avant 1997, mais aussi l’enchâssement de ces seuils dans la politique du DEPS pour une période illimitée. Les collectivités autochtones et non autochtones contiguës à la ressource soulignent qu’elles dépendent économiquement de la crevette nordique depuis 1997 et qu’elles se sont attachées de génération en génération aux eaux où vit la crevette durant l’exploitation d’autres espèces. Les parties intéressées du secteur de la pêche côtière maintiennent également qu’elles ont débarqué la majeure partie des prises de crevettes réalisées dans la ZPC 6 et qu’elles ont établi une dépendance importante à l’égard de cette pêche. Elles estiment donc que l’attachement historique revendiqué par le secteur de la pêche hauturière à l’égard de la ZPC 6 ne tient qu’à un fil, compte tenu des niveaux relativement bas de prises qui ont été enregistrés avant 1997.
    • Selon le Comité, il ne fait nul doute que l’attachement historique du secteur de la pêche hauturière est plus marqué puisque les crevettiers hauturiers de ce secteur ont fait figure de précurseurs de la pêche à la crevette nordique et qu’ils ont établi l’historique de la capture avant 1997. Cette dépendance historique est au cœur de l’argument selon lequel la politique du DEPS devrait enchâsser les seuils antérieurs à 1997 pendant une période illimitée et prévoir l’exclusion de toutes les autres ZPC advenant une diminution des stocks. Le Comité constate que, avec ou sans l’application d’une politique du DEPS dans les ZPC 0 à 5, la flottille hauturière continuera d’être pratiquement la seule flottille présente dans ces zones étant donné qu’elle détient les 17 permis disponibles. La question est de savoir si cette flottille devrait partager une partie de la rente économique découlant de son accès à la ressource avec les détenteurs d’allocations spéciales qui sont contigus à la ressource (des Autochtones pour la plupart). En 1997, le principal argument contre un tel partage reposait sur la nécessité pour la flottille hauturière d’amortir les investissements qu’elle avait réalisés avant 1997 afin de mettre en valeur et de pratiquer la pêche à cette époque (les seuils). À notre avis, il est raisonnable de conclure que le passage du temps et que l’élargissement de l’accès dont a bénéficié la flottille hauturière depuis 1997 ont permis un tel amortissement.
    • Le Comité rejette la notion selon laquelle la politique du DEPS devrait assurer une protection illimitée et offrir les mêmes garanties pour les investissements nouveaux ou futurs. Il convient de souligner que, dans les ZPC 0 à 5, les quotas de crevettes s’élèvent actuellement au total à 68 612 t comparativement à 26 550 t en 1997, année où les seuils ont été établis (si l’on fait abstraction des ZPC 0 et 1 [poissons sur papier], les totaux sont de 55 362 t en 2015 comparativement à 17 550 t en 1997). Dans ces ZPC, pour lesquelles on entrevoit des ressources plus stables, la politique du DEPS n’aura pas de répercussions tangibles avant plusieurs années. Les propriétaires de crevettiers hauturiers et d’autres propriétaires auront donc amplement le temps de s’adapter à une absence de protection en vertu d’une politique du DEPS dans ces ZPC. À cet égard, le Comité est convaincu que le moment est propice à un examen de l’incidence de la politique du DEPS dans les zones nord et qu’il ne faut pas attendre que le problème s’aggrave sous l’effet d’une diminution des stocks, comme ce fut déjà le cas dans la ZPC 6.
    • Le Comité est d’avis que l’historique de la capture dans le secteur de la pêche hauturière dans les zones sud est plus récent et se superpose dans une plus large mesure à celui de la pêche côtière. Il s’agit d’une réalité importante qui ne doit pas être ignorée, d’autant plus qu’elle va à l’encontre d’une revendication des représentants du secteur de la pêche côtière selon laquelle les crevettiers hauturiers devraient être entièrement bannis de la ZPC 6.
    • À l’inverse cependant, la réalité observée ne démontre pas de façon convaincante que les crevettiers côtiers et les autres détenteurs d’allocations spéciales devraient être passibles d’expulsion de la ZPC 6 en vertu de l’application de la politique du DEPS, mais elle soutient plutôt l’adoption d’une approche plus équilibrée.
  4. Contiguïté
    • Le principe de la contiguïté favorise les villages de pêche, et les pêcheurs côtiers à proximité immédiate de la ressource sont ceux qui en retirent le plus d’avantages. Par ailleurs, ce principe favorise les valeurs d’intendance locale et de développement économique local. Au moment de la délivrance initiale des permis et des allocations, la contiguïté n’était pas une considération prioritaire. En effet, à cette époque, moins de la moitié des 17 permis de pêche hauturière avaient été délivrés à des groupes à proximité immédiate des principales zones de pêche. Le reste des permis avait été délivré aux organismes du sud de Terre-Neuve et des Provinces maritimes. Cette observation reflète la capacité historiquement embryonnaire des collectivités des zones nord et la participation antérieure des groupes de la pêche hauturière au poisson de fond des zones sud.
    • Si elle était appliquée, la politique du DEPS reposerait sur l’approche initiale axée la participation historique plutôt que sur une approche axée sur la contiguïté. Or, les exploitants qui ont intégré la pêche après 1997 ont été sélectionnés en grande partie en raison de leur contiguïté à une partie quelconque de la ressource et estiment que cette contiguïté justifie leur présence dans la pêche. Cette observation est au cœur de l’opposition à la politique du DEPS et elle contribue, selon le Comité, à la non‑viabilité de la politique. Le Comité est d’avis que le secteur de la pêche hauturière est allé trop loin et que le MPO a été au moins complice de cette situation en pensant qu’on pouvait diminuer ou refuser l’accès de groupes contigus à la ressource malgré leur participation continue et de longue date. Dans le cas de la ZPC 6, qui cumule 19 ans de participation, la situation s’est révélée extrêmement délicate et a nécessité la mise en place du présent Comité. Nous estimons fort improbable la mise en œuvre future de la politique du DEPS dans les zones nord exploitées depuis de nombreuses années par des groupes qui ont intégré la pêche après 1997. Selon le Comité, l’interruption de la participation des collectivités autochtones et non autochtones contiguës à la ressource est une position intenable, compte tenu des investissements importants qu’elles ont réalisés et de leur attachement.
  5. Viabilité économique
    • Le principe de la viabilité économique exige que les décisions relatives à l’accès favorisent – et ne compromettent pas – la viabilité économique des participants d’une pêche particulière. Ce principe avait a été respecté en 1997 par l’établissement de seuils visant à protéger la viabilité économique des investissements réalisés par la flottille hauturière de l’époque. Comme il a été mentionné précédemment, il est raisonnable de conclure que le passage du temps et que l’élargissement de l’accès depuis 1997 ont assuré la protection de ces investissements. Pour l’heure, cependant, il importe de prendre en considération les investissements considérables réalisés par des entreprises de pêche côtière et des usines de transformation dans le cadre de l’évaluation du bien-fondé de la politique du DEPS.
    • Ces investissements ont été facilités par le MPO après 2007, année marquée par la conversion des permis temporaires en permis ordinaires et par la promotion de l’autorationalisation du secteur de la pêche côtière rendue possible grâce au fusionnement de politiques. Les détenteurs d’allocations spéciales, ainsi que certains titulaires de permis de pêche hauturière (assortis d’un mandat de développement communautaire) comptent sur les redevances de la pêche à la crevette pour soutenir les investissements qu’ils ont réalisés dans leurs collectivités respectives. Le Comité reconnaît qu’une diminution des stocks se traduira par une baisse de la viabilité économique. Cependant, nous sommes d’avis qu’il faut tenir compte de la viabilité de tous ceux qui ont réalisé des investissements commerciaux, y compris ceux réalisés par les nouveaux venus depuis 1997.
  6. Équité
    • Le principe de l’équité tient aussi bien à la procédure qu’au contenu. Eu égard à la procédure, nous estimons que le processus d’établissement de la politique du DEPS n’a pas été à la hauteur en raison d’un manque de gouvernance. Les partisans de la politique du DEPS maintiennent que la Fish, Food and Allied Workers Union (FFAW) avait approuvé l’établissement des seuils initiaux. Nous avons été informés que, dans les jours précédant la décision de permettre l’entrée de nouveaux venus en 1997, le MPO avait demandé aux cadres supérieurs de la FFAW de soutenir les seuils et avait obtenu leur approbation tacite. Cependant, la question demeure : la FFAW avait-elle le mandat pour prendre un engagement quelconque au nom de tous les propriétaires d’entreprises individuelles qui pratiquent actuellement la pêche à la crevette? À l’époque, aucun de ces propriétaires ne pratiquait la pêche à la crevette, et il avait été impossible alors de consulter les membres touchés puisqu’on ne savait pas qui serait admis. En outre, la FFAW n’avait pas un mandat suffisant pour demander aux détenteurs d’allocations spéciales, aux autochtones, aux collectivités, aux futurs investisseurs et aux exploitants d’établissements de s’engager à quitter la pêche à un moment indéterminé dans le futur. Ce type d’engagement aurait nécessité la tenue, par le MPO, d’un processus de consultation plus inclusif et plus transparent. De nombreux présentateurs nous ont dit avoir été contraints d’accepter les conditions proposées sous peine de perdre la possibilité longtemps attendue d’entrer dans la pêche. La politique du DEPS n’était également pas bien comprise, et même le MPO avait éprouvé des difficultés avec ses modalités d’application au point où un examen par Ernst & Young s’était révélé nécessaire.
    • Eu égard au contenu, la politique du DEPS est conçue pour protéger un groupe pendant une période illimitée, c’est-à-dire le secteur de la pêche hauturière, au détriment des autres groupes (Autochtones, détenteurs d’allocations spéciales et secteur de la pêche côtière). Bien que la politique du DEPS ait été justifiée initialement, sa mise en œuvre à long terme servirait à perpétuer et à accroître les disparités qui existent entre le secteur de la pêche hauturière, d’une part, et les groupes autochtones et contigus à la ressource, d’autre part. La politique du DEPS est déstabilisante dans la mesure où elle menace les investissements et les collectivités et où elle pourrait entraîner des impacts disproportionnés advenant un déclin des stocks. Cette situation pourrait à son tour compromettre la planification et l’adaptation ordonnée de l’industrie. Selon le Comité, il s’agit d’une politique publique non viable qui ne satisfait aucun critère raisonnable lié à l’équité. Parallèlement à cela, le retrait complet du secteur de la pêche hauturière de la ZPC 6 serait tout aussi injuste, étant donné sa dépendance historique. À ce stade-ci, seule une approche de réduction équilibrée qui englobe tous les secteurs d’une manière proportionnelle peut satisfaire le principe de l’équité.

Après avoir réfléchi à ce qui précède, le Comité est d’avis que la politique du DEPS ne répond pas aux exigences relatives à la procédure et au contenu.

7.3 Recommandations relatives à la politique du DEPS

Après une mûre réflexion sur les options et à la lumière d’un examen fondé sur des principes, notre groupe est d’avis que la politique du DEPS n’est pas un instrument viable en matière de politique publique. Il est illusoire de penser que le gouvernement peut indéfiniment se réserver le droit de retirer de la pêche des groupes dépendants de la ressource et contigus à celle-ci au bénéfice de groupes qui ont eu le privilège d’intégrer cette pêche en premier, peu importe quand cela s’est produit.

La politique du DEPS ne fournit pas les outils de base nécessaires pour permettre à tous les secteurs de l’industrie de planifier et de s’adapter au gré de réalités changeantes. Elle ne favorise pas non plus une responsabilité et une intendance suffisante de la ressource par toutes les parties intéressées.

Dans le cas de la crevette nordique, la politique du DEPS ne satisfait pas non plus les principes de la contiguïté, de la viabilité économique et de l’équité. Nous sommes également d’avis que le retrait complet du secteur de la pêche hauturière de la ZPC 6 ne permettrait pas non plus de satisfaire les principes de la viabilité économique et de l’équité. Par ailleurs, ce retrait ne respecterait pas le principe de la dépendance historique. Enfin, nous sommes convaincus que n’importe quelle option de remplacement de la politique du DEPS respectera le principe de la conservation, compte tenu de l’engagement continu des parties intéressées à l’égard du principe de précaution et de la gestion durable de la pêche. Pour conclure, nous sommes d’avis que seule une approche équilibrée peut satisfaire tous les principes clés en matière d’allocation des ressources.

En conséquence, le Comité recommande que le ministre abolisse la politique du DEPS et la remplace par un régime permanent d’allocations prévoyant un partage proportionnel des parts dans toutes les ZPC.

7.4 Mise en œuvre d’un régime permanent de partage proportionnel

Le partage proportionnel permanent suppose l’établissement, pour 2016 et les années subséquentes, de parts en pourcentage pour l’ensemble des participants dans chacune des ZPC. Chaque détenteur d’un quota recevrait un pourcentage fixe de la ressource. Le quota annuel pourrait ainsi fluctuer proportionnellement au TAC établi pour chacune des ZPC. Dorénavant, les parts en pourcentage seront fixées pour une période illimitée et attribuées aux participants de la pêche. Pour ce qui touche l’établissement des parts, il convient de choisir l’année ou le nombre d’années qui serait approprié pour le calcul des pourcentages et de décider qui sera inclus. Le Comité reconnaît que ces choix ont une incidence sur le partage des parts respectives; c’est ce qui explique pourquoi il existe autant de points de vue divergents à cet égard que sur la politique du DEPS proprement dite. En formulant ses recommandations à ce sujet, le Comité a une fois de plus adopté une démarche fondée sur des principes qui reflète son examen des principes d’allocation clés et qui tient compte de la situation qui prévaut depuis l’entrée en vigueur de la politique du DEPS en 1997.

Le Comité a conclu que le partage proportionnel était moins compliqué dans les ZPC 0 à 5, étant donné que les quotas y sont demeurés bien au-delà des seuils établis et que la politique du DEPS n’a pas encore eu de répercussions dans ces zones. Ainsi, l’établissement des parts actuelles en fonction de l’allocation des parts de 2015 semblerait la démarche la plus équitable et la moins perturbatrice du fait que les volumes que les diverses parties intéressées devront pêcher seront, en 2016 et dans un avenir prévisible, les mêmes que ceux qui auraient été établis conformément à la politique du DEPS.

De même, si l’on reporte le nombre de détenteurs de quotas actuels des ZPC 0 à 5, la participation demeurera inchangée (voir ci-dessous l’exception recommandée pour les groupes de pêcheurs côtiers touchés). En conséquence, les parts futures refléteront un équilibre raisonnable entre la dépendance historique, la contiguïté, l’équité et la participation autochtone.

Toutefois, la situation se corse dans les ZPC 6 et 7. Les quotas ayant diminué dans ces zones au cours des dernières années, la politique du DEPS y a déjà été mise en œuvre : certains intervenants ont été éliminés, et les parts actuelles ont été réduites pour certains des pêcheurs restants.

Le Comité estime que les effets de la politique du DEPS doivent être renversés, car nous avons conclu qu’elle devrait être abolie et qu’elle n’aurait jamais dû être mise en œuvre à l’époque. Pour ce faire, il ne faut pas tenir compte de l’historique de la pêche et de l’allocation des quotas après 2009 dans la ZPC 6 et après 2011 dans la ZPC 7. En effet, vu l’histoire récente et brève de la ZPC 7, nous sommes d’avis que les participants devraient tous recevoir une part proportionnelle en fonction des pourcentages des allocations octroyées en 2011 pour cette zone. Ces parts permettraient d’établir les allocations dans la ZPC 7, si la pêche venait un jour à rouvrir. En ce qui a trait à la ZPC 6, le Comité est d’avis que la sélection d’une seule année ne tiendrait pas compte de tous les principes qui devraient être considérés dans une démarche équilibrée. Choisir une période quelconque pourrait sans doute paraître arbitraire. Toutefois, après mûre réflexion et une analyse approfondie, le Comité estime qu’opter pour la période 1997-2009 entraînerait la sélection de participants et de leurs parts respectives qui refléterait le meilleur équilibre entre la dépendance historique, la contiguïté, l’équité et la participation autochtone. Les parts en pourcentage de la ZPC 6 pour chaque détenteur d’un quota devraient être calculées en fonction du total des allocations annuelles cumulées au cours de la période visée ci-dessusNote de bas de page 13. Les détenteurs de quotas incluraient ceux qui détenaient déjà un quota en 2009, à l’exception (recommandée) des groupes de pêcheurs côtiers touchés.

La période 1997-2009 a été sélectionnée comme période de base pour le calcul du partage proportionnel des parts dans la ZPC 6, et ce, pour les raisons suivantes :

Lorsqu’il s’est penché sur l’histoire des pêches et de leur impact et sur les principes de l’attachement historique, de la viabilité économique et de l’équité, le Comité a remis en question le bien-fondé de conserver deux groupes de détenteurs d’allocations spéciales, soit le groupe de pêcheurs de morue côtiers touchés de la ZPC 6 et le groupe de pêcheurs de morue ou de crabe côtiers touchés de la ZPC 5.

Selon nous, ces groupes semblent représenter des valeurs aberrantes. L’accès des autres participants à la pêche à la crevette nordique suppose un investissement financier réel dans les récoltes ou la transformation ou, encore, l’utilisation d’allocations aux fins du développement économique des communautés autochtones ou non autochtones. Les allocations octroyées aux pêcheurs côtiers touchés n’existent que pour fournir un avantage direct à un nombre restreint de personnes qui, selon nous, sont difficiles à repérer. Ces allocations sont aussi difficiles à justifier. En effet, si elles continuent d’être versées à ces pêcheurs, elles nuiront, selon nous, à l’accomplissement des objectifs fixés que sont le soutien de la viabilité économique des entreprises de pêche déjà en place et le maintien de la viabilité des collectivités.

Cela est particulièrement pertinent compte tenu des réductions additionnelles à venir des allocations aux pêcheurs de crevette nordique de la ZPC 6 et du fait que les pêcheurs de morue côtiers touchés reprendraient la pêche après en avoir été exclus depuis 2009. Par ailleurs, si elles étaient permises, ces allocations diminueraient l’accès, dans la ZPC 5, des groupes autochtones et communautaires contigus à la ressource au Labrador.

Le Comité est donc d’avis que les « pêcheurs côtiers touchés » des ZPC 5 et 6 touchant ces allocations spéciales ne devraient pas être inclus dans le partage futur de la ressource. Pour ce qui est de la ZPC 6, le Comité estime que les parts qui se seraient accumulées pour ce groupe devraient être partagées proportionnellement entre les flottilles hauturières et côtières, en fonction des parts relatives qu’elles détenaient entre 1997 et 2009.

En ce qui concerne la ZPC 5, le Comité est d’avis que les parts qui reviendraient à ce groupe (pêcheurs de morue ou de crabe touchés) devraient être éliminées au cours des trois prochaines années et redistribuées en parts égales entre le secteur de la pêche hauturière, la Coalition nordique et les trois groupes autochtones dont les territoires d’attache sont immédiatement contigus à la ressource, soit les Nunatsiavut, les Innus et les NunatuKavut. Les parts de la Coalition nordique et des groupes autochtones permettront d’augmenter la participation autochtone et fourniront des preuves concrètes de l’engagement à améliorer l’accès des Autochtones à la ressource. L’allocation d’une part d’un tiers aux pêcheurs hauturiers reconnaît leur dépendance historique dans la ZPC 5.

De même, le Comité est d’avis que les quotas concurrentiels accordés aux pêcheurs hauturiers des ZPC 4 et 5 devraient être redistribués au moment du futur partage de la ressource. Comme indiqué dans la section 6, ces quotas concurrentiels ont été établis en 2003, alors que les quotas augmentaient dans ces zones. Ces quotas étaient limités à la pêche hauturière dans le but de financer les activités scientifiques de la flottille hauturière. À la suite du jugement Larocque rendu en 2006, les « ententes conjointes » visant à financer les activités scientifiques ont cessé et le gouvernement a financé ces projets de façon intérimaire, jusqu’à ce que la Loi sur les pêches soit modifiée en 2012 pour lui permettre de continuer de fournir des quotas pour le financement de projets scientifiques. En 2013, une allocation spéciale de 1 700 t à des fins scientifiques a été établie dans le cadre de la Northern Shrimp Research Foundation, laquelle est récoltée par le secteur de la pêche hauturière.

Pour ce qui touche la ZPC 4, le Comité estime que les quotas concurrentiels accordés aux pêcheurs hauturiers devraient être transférés aux détenteurs d’allocations actuels en fonction de leurs parts en pourcentage respectives de 2015. Ainsi, on reconnaîtrait la dépendance historique de la flottille hauturière (part de 78,3 %), on favoriserait la participation autochtone à la pêche et on fournirait des preuves concrètes de l’engagement à améliorer l’accès des Autochtones à la ressource. À terme, la quasi-totalité de ces allocations (94 %) continueront d’être octroyées à des navires de pêche hauturière.

En ce qui concerne la ZPC 5, à l’instar de sa recommandation à l’égard des « pêcheurs côtiers touchés », le Comité est d’avis que les quotas concurrentiels accordés aux pêcheurs hauturiers devraient être transférés au secteur de la pêche hauturière, à la Coalition nordique et aux trois groupes autochtones dont les territoires sont immédiatement contigus à la ressource (Nunatsiavut, Innus et NunatuKavut). Les parts accordées à la Coalition nordique et aux groupes autochtones favoriseront la participation autochtone et fourniront des preuves concrètes de l’engagement à améliorer l’accès des Autochtones à la ressource. L’allocation d’une part d’un tiers aux pêcheurs hauturiers reconnaît leur dépendance historique dans la ZPC 5. À terme, la quasi-totalité de ces allocations continueront d’être octroyées à des navires de pêche hauturière.

7.5 Recommandations sur la mise en œuvre d’un régime permanent de partage proportionnel

Le Comité recommande :

7.5.1   que le MPO établisse des parts en pourcentage fixes pour la saison de pêche 2016-2017 pour tous les participants de chacune des ZPC – à l’avenir, les parts en pourcentage de ceux qui intégreront la pêche seront fixées pour une période illimitée;

(ZPC 0 à 5) que les parts fixes permanentes soient établies en fonction des allocations octroyées aux divers détenteurs de quotas en 2015 – à l’exception du groupe des pêcheurs de morue/de crabe côtiers touchés, tous les détenteurs de quotas actuels recevront une part;

(ZPC 6) que les parts fixes permanentes soient calculées en fonction du total des allocations annuelles cumulées durant la période 1997-2009 – à l’exception des groupes de pêcheurs de morue côtiers touchés, les détenteurs de quotas comprendront tous ceux qui étaient inclus dans la pêche en 2009;

(ZPC 7) que les parts fixes permanentes soient établies en fonction des allocations octroyées aux divers détenteurs de quotas en 2011 et que tous les détenteurs de quotas en 2011 soient inclus;

7.5.2   (ZPC 6) que les parts qui auraient été octroyées aux groupes de pêcheurs de morue côtiers touchés soient partagées proportionnellement entre les flottilles hauturières et côtières en fonction de leurs parts relatives cumulées durant la période 1997-2009;

7.5.3   (ZPC 5) que l’allocation actuellement octroyée au groupe de pêcheurs de morue/crabe côtiers touchés soit éliminée progressivement sur trois ans et que ces allocations soient redistribuées comme suit : un tiers au secteur de la pêche hauturière; un tiers à la Coalition nordique; un tiers partagé à parts égales entre les trois groupes autochtones dont les territoires d’attache sont contigus à la ressource : les Nunatsiavut, les Innus, les NunatuKavut;

7.5.4 (ZPC 4) que le quota concurrentiel attribué au secteur de la pêche hauturière soit redistribué et partagé avec tous les détenteurs d’allocations actuels en fonction des parts en pourcentage qu’ils détenaient respectivement en 2015;

7.5.5 (ZPC 5) que le quota concurrentiel attribué au secteur de la pêche hauturière soit redistribué comme suit : un tiers au secteur de la pêche hauturière; un tiers à la Coalition nordique; un tiers partagé à parts égales entre les trois groupes autochtones dont les territoires d’attache sont contigus à la ressource : les Nunatsiavut, les Innus, les NunatuKavut;

7.5.6   (ZPC 6) que les détenteurs d’allocations spéciales aient l’option concurrentielle d’utiliser aussi bien leurs flottilles hauturières que leurs flottilles côtières pour prélever leurs allocations – si, dans cette zone, on choisit d’utiliser la flottille côtière pour la récolte d’une allocation annuelle, il faudra prendre des dispositions de récolte par « blocs » (c.‑à‑d. 2J, 3kN, 3K, etc.) au lieu de prendre des dispositions avec des détenteurs d’allocations spéciales et des entreprises côtières individuelles.

L’annexe 8.4 contient une description de l’incidence des recommandations 7.5.1 à 7.5.5 selon la clé de répartition actuelle des allocations de la pêche à la crevette nordique et des scénarios hypothétiques sur l’état de la ressource.

7.6 Autres considérations

Comme il est décrit dans les questions de la section 6, un certain nombre de questions ne sont pas directement liées au mandat du Comité. Ce dernier estime toutefois nécessaire d’en faire mention au cas où le MPO et le gouvernement fédéral jugeraient opportun d’en faire un suivi ultérieur,

Les voici.
Notre Comité a observé, dans la ZPC 6, la présence d’un écart probable entre les déclins attendus de la pêche à la crevette et une récolte accrue de poissons de fond. Nous savons que des travaux sont actuellement menés par certains groupes inquiets des répercussions à venir. Cependant, nous croyons qu’il est prioritaire d’élaborer une stratégie de transition qui atténuera, dans la mesure du possible, ces répercussions et qui bénéficiera du soutien des gouvernements et des circonscriptions concernées.

Le secteur de la pêche côtière ne bénéficie pas du même niveau de surveillance des pêches et de déclaration des prises que la flottille hauturière. Quant au secteur de la pêche hauturière, il ne bénéficie pas du même niveau de vérification à quai que celui de la pêche côtière. Nous ne sommes pas convaincus de la validité des préoccupations soulevées, mais nous croyons que les programmes des observateurs des pêches, de surveillance des prises et de vérification à quai devraient être revus pour qu’on puisse s’assurer qu’ils sont assez robustes et que leurs niveaux de couverture suffisent à la conservation de la ressource.

Les parties intéressées des secteurs de la pêche côtière et de la pêche hauturière nous ont fait part de leurs préoccupations concernant les trois aspects suivants : le niveau d’exploitation; la non-interruption de la pêche afin de permettre la régénération des stocks; enfin, le calendrier d’exploitation des pêches côtière et hauturière dans la ZPC 6 en fonction du cycle de reproduction de la crevette. Pour les scientifiques du MPO, ces préoccupations ne sont pas majeures, car la pêche à la crevette est gérée selon un taux d’exploitation global qui tient compte de l’abondance totale de la crevette ainsi que des effets de la pêche. Cependant, notre Comité constate que la nature de cette question évolue très rapidement. Nous concluons donc que cette question mérite un examen plus approfondi par le MPO et que cet examen devrait être mené en consultation avec l’industrie.

Le Comité a observé que la suppression des tarifs applicables aux crevettes, à la suite de la ratification du nouvel Accord économique et commercial global (AECG), pourrait offrir des débouchés importants aux usines de transformation côtières puisque celles-ci seraient en mesure d’acheter des crevettes de qualité industrielle qui, autrement, seraient transformées outre-mer. Le rapatriement de cette activité économique est un objectif politique important qui devrait être poursuivi de manière accélérée par le gouvernement du Canada et l’industrie canadienne. À cet égard, le Comité est d’avis que le gouvernement du Canada devrait établir un processus permanent et officiel de mobilisation de tous les secteurs de l’industrie pour assurer la concrétisation du rapatriement de la transformation de la crevette de qualité industrielle.

Selon le Comité, la politique du DEPS a pointé les projecteurs vers une situation de l’ère moderne marquée par des tensions croissantes entre l’attachement historique et la contiguïté. Les flottilles des zones sud ont exploité la ressource dans les eaux des zones nord, les technologiques, humaines et financières étant insuffisantes ou carrément absentes dans les collectivités autochtones et contiguës à la ressource dans les zones nord.

Le maintien du principe de la participation basée sur l’attachement historique enlève malheureusement aux collectivités autochtones et contiguës à la ressource la capacité de se développer économiquement en mettant en valeur leurs ressources naturelles contiguës. L’atténuation du déséquilibre observé à la faveur des collectivités contiguës à la ressource sera sans doute le fruit d’efforts transgénérationnels, mais cette question doit néanmoins être prise en considération dans l’élaboration des politiques sur les pêches. Cette réalité est particulièrement pertinente étant donné l’engagement pris par le gouvernement du Canada à l’égard d’une relation renouvelée avec les peuples autochtones.

Il faut trouver une manière quelconque d’atteindre un équilibre entre l’attachement historique et la contiguïté à la ressource, et il appartient au gouvernement fédéral de faire en sorte que l’atteinte de cet équilibre devienne une réalité par le truchement de l’élaboration de politiques et de programmes précis.

Annexes

Annexe 8.1. Mandat

Processus de consultation externe pour examiner le principe du « dernier entré, premier sorti » de la pêche à la crevette nordique

A. Introduction

Le ministre doit nommer un comité consultatif ministériel (CCM) qui sera chargé de donner son avis sur la question de savoir s’il faut conserver, modifier ou abolir le principe du DEPS dans la pêche de la crevette nordique.

B. Contexte

Après une période de forte croissance, le Ministère a appliqué le principe du DEPS pour mettre en œuvre les réductions des totaux autorisés des captures (TAC) dans les zones sud de la pêche à la crevette nordique (ZPC) depuis 2010. Selon ce principe, ceux qui sont entrés les derniers dans la pêche seraient les premiers à en être éliminés si le TAC venait à chuter en deçà d’un certain seuil. Du fait de l’application du principe du DEPS, l’allocation octroyée à cette flottille côtière a été réduite de plus de 76 000 tonnes à moins de la moitié de cette quantité en 2016. Les pêcheurs de crevette nordique ont des avis contradictoires sur l’utilisation de ce principe, la flottille de pêche côtière et les groupes autochtones, y compris les groupes de revendication territoriale, étant d’avis que la contiguïté devrait constituer le facteur déterminant dans les décisions sur l’accès et la répartition. Selon les prévisions des scientifiques, les changements des conditions écologiques qui ont été observés depuis quelques années pourraient se poursuivre jusqu’en 2035, ce qui crée un environnement moins favorable aux mollusques et crustacés, notamment aux crevettes, et plus favorable aux espèces de poissons de fond. Il convient de noter que les déclins prévus dans cette pêche devraient être importants et que l’accès futur à la pêche dans la ZPC 6 par tous les intervenants est incertain, que l’on applique ou non le principe du DEPS.

C. Objectifs
D. Portée
  1. Le CCM doit concentrer ses activités sur la détermination des préoccupations des flottilles de pêche à la crevette nordique et, dans le cadre de divers processus, s’assurer que les présentations des intervenants sont fondées sur des faits et sur des données probantes qui peuvent être corroborées. De plus, il doit aussi recueillir les points de vue des gouvernements, organismes, titulaires d’allocations spéciales, conseils de revendications territoriales et de gestion des ressources, et organisations autochtones et inuites qui sont concernés.
  2. Le CCM n’entreprendra pas de recherche, mais se fondera plutôt sur : 1) la documentation existante du Ministère; 2) les discussions avec les intervenants et les communications écrites de ces derniers; 3) l’expertise particulière de ses différents membres; 4) les points de vue et commentaires de spécialistes auxquels il jugera utile de faire appel.
E. Méthode/démarche
  1. Le CCM doit solliciter les demandes écrites des parties intéressées. Par la suite, les parties ayant soumis des demandes seront conviées à une réunion avec le comité dans une salle publique. Il s’agira d’une tribune où le CCM pourra poser des questions ou demander des détails au sujet de la demande, afin que les décisions du comité s’appuient sur les meilleurs renseignements factuels disponibles. Les intervenants suivants seront invités à y participer :
    • les crevettiers hauturiers;
    • les crevettiers côtiers;
    • les détenteurs d’allocations spéciales;
    • les gouvernements et les organismes provinciaux et territoriaux concernés;
    • les titulaires de droits;
    • les conseils de revendications territoriales et de gestion des ressources concernés;
    • les organisations autochtones visées;
    • les autres intervenants du secteur de la pêche à la crevette nordique.
  2. Le CCM pourra consulter d’autres parties intéressées, au besoin, afin de s’assurer que les questions sont bien comprises et qu’elles tiennent compte de tous les points de vue, de manière à valider les points ou d’offrir des points de vue divergents.
  3. Le CCM doit procéder à des entrevues, se procurer et examiner les documents et les renseignements pertinents, et consulter les autres experts afin de s’assurer que toutes les parties comprennent bien tous les points de vue.
  4. Le CCM doit organiser des réunions auprès des principales parties, soit individuellement, toutes ensemble ou les deux, à sa discrétion, de même qu’auprès du personnel du MPO.
  5. Au besoin, et conformément à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, le CCM aura accès à la documentation et au personnel du MPO lorsqu’il cherchera de l’information sur la pêche.
  6. Le président doit préparer un rapport écrit sur les observations et les recommandations du CCM qu’il remettra au ministre des Pêches et des Océans. Ce rapport écrit destiné au ministre sera remis en français ou en anglais, et une copie finale sera transmise au sous-ministre adjoint principal de Gestion des écosystèmes et des pêches d’ici le 15 juin 2016.
  7. Au besoin, le CCM nommera un porte-parole chargé des médias.
  8. Une documentation doit être préparée pour l’examinateur décrivant tous les faits et les tableaux officiels qui concernent cette question du point de vue du Ministère.
F. Considérations
  1. Il faudrait indiquer clairement si la politique du DEPS devrait se poursuivre, être modifiée ou être supprimée. Si on la modifie ou on l’abolit, à quoi la politique nouvelle/modifiée ressemblerait-elle?
  2. Il faudrait tenir compte de la politique de DEPS en termes de groupes autochtones, et plus précisément en ce qui a trait à chacune des trois revendications territoriales, dans chacune des zones de pêche à la crevette.
  3. Il faudrait obtenir les renseignements disponibles les plus pertinents sur les questions et les préoccupations soulevées par toutes les parties.
  4. Il faudrait s’assurer que tous les renseignements sur lesquels s’appuient les décisions sont factuels et défendables.
  5. Il faudrait s’assurer de fournir une justification solide pour appuyer chacune des recommandations et des décisions du CCM.
G. Coûts

Les coûts du CCM comprenant les honoraires, les déplacements, l’hébergement, les services de traduction et les salles de réunion, seront payés par Pêches et Océans Canada. Les frais de déplacement et de repas associés à l’examen seront payés aux taux en vigueur établis par le Conseil du Trésor du Canada.

Annexe 8.2

Membres du Comité consultatif ministériel responsable de l’examen du principe du « dernier entré, premier sorti »

Barbara Crann – Barbara Crann possède plus de quinze ans d’expérience de travail avec tous les ordres de gouvernement dans les domaines de l’orientation professionnelle et des campagnes politiques. Elle est actuellement consultante et propriétaire d’une entreprise de services de consultation – BSC Consulting Services – à Chapel Arm, à Terre-Neuve-et-Labrador. Avant cela, Barbara était coordonnatrice de projet pour de nombreux programmes financés par le gouvernement fédéral et, plus récemment, conseillère principale/gestionnaire en emploi pour un bureau des Services d’aide à l’emploi, situé dans une région rurale de Terre-Neuve-et-Labrador (financé par le Department of Advanced Education and Skills). Après avoir obtenu un baccalauréat ès arts de l’Université Memorial de Terre-Neuve, en 1998, Barbara a obtenu un diplôme en administration des affaires à St. John’s, T.-N.-L.

Wayne Follett – Wayne Follett vit à Conception Bay South, à Terre-Neuve-et-Labrador. À titre de consultant à temps partiel, il offre des services dans divers domaines, y compris la gestion des affaires, la gestion des ressources halieutiques, la politique publique, l’analyse des politiques et les opérations maritimes. Avant cela, Wayne était le président-directeur général de Marine Atlantic. Entre 1980 et 2008, Wayne a travaillé pour le ministère des Pêches et des Océans, notamment comme directeur régional de la Direction de la coordination des programmes et de l’économie, directeur régional, Gestion des pêches, directeur régional de la Garde côtière canadienne et, pendant sept ans, directeur général régional de la région de Terre-Neuve. Wayne a été membre de nombreux conseils d’administration, y compris ceux de Marine Atlantic, de One Ocean, du Marine Institute et du Canadian Centre for Fisheries Innovation. Wayne a étudié à l’Université Memorial de Terre-Neuve et est comptable professionnel agréé.
Paul Sprout – Paul Sprout vit à Nanaimo, en Colombie-Britannique, où il travaille comme expert-conseil en gestion des pêches. Entre 1976 et 2010, Paul a travaillé pour le ministère des Pêches et des Océans en tant que biologiste chargé de la gestion des pêches, directeur de la gestion des pêches, sous-ministre adjoint délégué et, tout récemment, comme directeur général régional. Paul a obtenu une maîtrise en administration des affaires (M.B.A.) de l’Université Simon Fraser à Vancouver, en Colombie-Britannique, en 1995. Avant cela, Paul avait obtenu un baccalauréat ès sciences de l’Université Simon Fraser, en 1976, et un diplôme en technologie (option Poisson, faune et activités récréatives) de l’Institut de la technologie de la Colombie-Britannique à Vancouver, en Colombie-Britannique, en 1974.

Trevor Taylor – Trevor Taylor vit à Iqaluit, au Nunavut, où il travaille comme expert-conseil en matière de pêches et de conservation marine dans l’est de l’Arctique canadien. Avant cela, il a été député à l’Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador et a occupé un poste clé de ministre. Trevor possède plus de dix années d’expérience en tant que pêcheur et capitaine de pêche dans les eaux au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Il a aussi représenté l’Union des pêcheurs et a été membre du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. À titre de bénévole, Trevor collecte des fonds et participe à l’expédition organisée dans le cadre du programme « Students on Ice » où Il donne des conférences sur la conservation des océans et des pêches, les politiques et la gouvernance.

Annexe 8.3 – Zone de pêche de la crevette nordique

Annexe 8.3 – Zone de pêche de la crevette nordique

Plan de gestion intégrée des pêches à la crevette nordique (PGIP), 2007, Pêches et Océans Canada

Annexe 8.4 – Partage proposé en vertu des valeurs actuelles corrigées et de divers scénarios en matière de ressources

ZPC 4 : Partage proposé en vertu des valeurs actuelles et corrigées et de divers scénarios en matière de ressources (voir la note 1)

Détenteurs d'allocations

2015 CCM

Scénarios de diminution

Scénarios d’augmentation

actuelles corrigées 20% CCM 40% CCM 20% DEPS 40% DEPS 20% CCM 20% DEPS
Hauturier 10394 11357 8795 6233 8008 7283* 13920 11559
Côtier 702 767 594 421 434 0 940 831
Innus 750 819 634 449 734 0 1004 750
Gouv. des Nunatsiavut 300 328 254 180   0 402 300
NSRF (voir la note 2) 1700 1700 1700 1700 1700 1700 1700 1700
Concurrentiel hauturier 1125 0 0 0 1101 0 0 1125
Total 14971 14971 11977 8983 11977 8983 17965 16265

*sous le seuil de la politique du DEPS (7650 t)

Note 1. Ces chiffres sont préliminaires et ne constituent que des exemples fondés sur les meilleures données disponibles au moment du rapport. Ils peuvent être modifiés par le MPO.
Note 2. Le montant du NSRF n’est pas garanti ni fixe. Il pourrait augmenter ou diminuer au cours d’une année donnée. Conformément à la politique, le montant du NSRF est déduit.
Les parts proportionnelles sont calculées après la déduction du montant du NSRF.


ZPC 5 : Partage proposé en vertu des valeurs actuelles et corrigées et de divers scénarios en matière de ressources (voir les notes 1 et 2)

Détenteurs d'allocations

2015 CCM

Scénarios de diminution

Scénarios d’augmentation

actuelles corrigées 20% CCM 40% CCM 20% DEPS 40% DEPS 20% CCM 20% CCM
Hauturier 7650 9750 7800 5850 7650 7650 11700 13650
Coalition nordique 6120 8220 6576 4932 6120 5064 9864 11508
Innus 510 1210 968 726 510 422 1452 1694
Gouv. des Nunatsiavut 1260 1960 1568 1176 822 422 2352 2744
Pêcheurs de Cartwright 710 710 568 426 593 422 852 994
Conseil com. Nunatuavut 750 1450 1160 870 312 0 1740 2030
Pêcheurs côtiers touchés, Cart. 3400 0 0 0 1419 0 0 0
Pêcheurs côtiers touchés, pén. N. 400 0 0 0 167 0 0 0
Concurrentiel hauturier 2500 0 0 0 1041 0 0 0
TOTAL 23300 23300 18640 13980 18640 13980 27960 32620

Note 1. Ces chiffres sont préliminaires et ne constituent que des exemples fondés sur les meilleures données disponibles au moment du rapport. Ils peuvent être modifiés par le MPO.

Note 2. Les hausses dans la ZPC 5 ne peuvent être déterminées en vertu de la politique du DEPS du fait qu’elles relèvent de la discrétion du ministre. Ces dernières années, toutes les hausses ont été octroyées sous forme d’allocations spéciales et non pas d’ententes de partage.

Note 3. Les scenarios et les chiffres corrigés du CCM reposent sur les données de 2018 après l’élimination complète des « pêcheurs côtiers touchés » sur trois ans.


ZPC 6 : Partage proposé en vertu des valeurs actuelles et corrigées et de divers scénarios en matière de ressources (voir la note 1)

Détenteurs d'allocations

2015 CCM

Scénarios de diminution

Scénarios d’augmentation

actuelles corrigées 20% CCM 40% CCM 60% CCM 20% DEPS 40%  DEPS 60%  DEPS 20% CCM 40% CCM 20%  DEPS 40% DEPS
Hauturier 13559 11119 8900 6671 4447 12596 11632 11050 13343 15566 14523 15049
SABRI 3000 2150 1721 1290 860 3000 3000 2044 2579 3009 3000 3000
Innus 0 829 664 497 332 0 0 0 995 1161 0 1500
FOGO 0 549 440 330 220 0 0 0 659 769 0 1000
Côtier 31637 33549 26853 20130 13419 22961 14286 6183 40259 46969 40312 45497
Pêcheurs côtiers touchés, pén. N. 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1076
Pêcheurs côtiers touchés, B.-C.-N. 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 358
TOTAL 48196 48196 38577 28918 19277 38557 28918 19277 57835 67474 57835 67474

Note 1. Ces chiffres sont préliminaires et ne constituent que des exemples fondés sur les meilleures données disponibles au moment du rapport. Ils peuvent être modifiés par le MPO.

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