Avis scientifique 2021/052
Détermination de l’importance écologique, des lacunes dans les connaissances et des agents de stress pour les eaux du nord et les zones adjacentes
Sommaire
- Les eaux du Nord sont une région géographique et océanographique distincte du nord de la baie de Baffin qui est caractérisée par l’une des plus grandes polynies récurrentes de l’Arctique. Son importance est attribuée aux éléments suivants :
- Les régimes de circulation atmosphérique et océanique, qui produisent des vents dominants du nord et des courants océaniques poussant la glace de mer de l’océan Arctique vers le sud à travers la baie de Baffin;
- Des chenaux étroits qui favorisent la formation de ponts de glace dans le détroit de Nares, le bassin Kane et le détroit de Smith, empêchant le déplacement de la glace de mer vers le sud et entraînant une réduction de la couverture de glace de mer au sud du détroit de Smith;
- Des eaux riches en nutriments qui proviennent à la fois de l’Arctique (eau froide du Pacifique via la mer de Béring) et de l’Atlantique Nord (eau chaude via le détroit de Davis qui s’écoule vers le nord le long de l’ouest du Groenland);
- Des régimes de circulation océanique et une dynamique des vents qui favorisent la remontée ou le mélange ascendant des nutriments importés en profondeur avec les eaux du Pacifique et de l’Atlantique;
- Une saison sans glace (ou avec une couverture de glace réduite) prolongée qui favorise une longue période de production.
- Les glaciers sont des caractéristiques importantes dans les environs des eaux du Nord et l’eau de fonte des glaciers et des calottes glaciaires constitue probablement la plus grande source de ruissellement local dans la région. Les mécanismes et l’apport global d’eau douce par les glaciers et les calottes glaciaires dans les environnements côtiers et les fjords sont actuellement peu étudiés, en particulier du côté canadien des eaux du Nord.
- Les eaux du Nord sont une zone de grande productivité biologique; l’ampleur et la période de la productivité dépendent de contrôles physiques et biogéochimiques complexes (p. ex., la période de la formation de la polynie, la stratification et le mélange, l’influence des différentes masses d’eau) qui varient dans la région. Les conséquences de l’ampleur et de la durée de la productivité dans les eaux du Nord sont encore renforcées par des transferts d’énergie efficaces dans le réseau trophique.
- La prolifération précoce du phytoplancton est favorisée par la réduction de la couverture de glace de mer par rapport aux zones environnantes, et le couplage étroit entre la productivité primaire et le zooplancton fournit une nourriture précoce aux filtreurs, tels que les espèces benthiques, et est fondamental pour soutenir les poissons et les oiseaux.
- Les eaux du Nord sont un site important pour l’échange gazeux. Cette région est considérée comme un puits de CO2 anthropique, dont l’ampleur est fortement influencée par le forçage régional, notamment l’apport d’eau douce, les propriétés de l’eau de mer (comme la température), les conditions de la glace de mer et les processus biologiques, en particulier la photosynthèse et la respiration.
- Les eaux du Nord peuvent être caractérisées par une forte biodiversité régionale. Plus précisément, le côté canadien des eaux du Nord est considéré comme un haut lieu de la biodiversité de la communauté benthique. La diversité fonctionnelle des communautés benthiques des eaux du Nord est parmi les plus élevées des eaux canadiennes de l’Arctique.
- La morue arctique (Boreogadus saida) est une espèce clé pour l’ensemble du réseau trophique et des changements potentiels de son abondance ou de sa répartition auraient des effets en cascade sur l’énergétique des niveaux trophiques supérieurs.
- La crevette nordique (Pandalus borealis) et le flétan du Groenland (Reinhardtius hippoglossoides) sont deux espèces de poissons commercialement importantes dans l’Arctique, mais les informations sur leur répartition et leur abondance dans les eaux du Nord sont limitées. L’expansion possible de la zone d’une pêche commerciale au chalut et à la palangre de ces espèces constitue à la fois un débouché pour les collectivités nordiques et une menace pour l’écosystème (surpêche ou prises accessoires).
- Les eaux du Nord sont un « haut lieu » pour les mammifères marins en toutes saisons, et neuf espèces sont régulièrement présentes dans la région. Les baleines endémiques de l’Arctique (le béluga [Delphinapterus leucas], le narval [Monodon monoceros] et la baleine boréale [Balaena mysticetus]) utilisent la région pour la mise bas, la quête de nourriture et la migration; la glace de mer environnante (limite de dislocation des glaces) est un habitat important pour le morse (Odobenus rosmarus), le phoque annelé (Pusa hispida), le phoque barbu (Erignathus barbatus) et l’ours polaire (Ursus maritimus).
- Les eaux du Nord sont un site vital d’alimentation et de nidification pour des millions d’oiseaux de mer migrateurs. L’île Coburg (Réserve nationale de faune Nirjutiqavvik) est l’une des plus importantes zones de nidification des oiseaux de mer dans l’Arctique canadien. Le côté groenlandais des eaux du Nord abrite la plus grande concentration de Mergules nains (Alle), ainsi que les plus grandes colonies groenlandaises de Guillemots de Brünnich (Uria lomvia) et de Mouettes tridactyles (Rissa tridactyla). Parmi les autres colonies d’oiseaux importantes, citons les Eiders à duvet (Somateria mollissima), les Eiders à tête grise (Somateria spectabilis) et les Mouettes de Sabine (Xema sabini).
- Le dernier site de nidification canadien de la Mouette blanche (Pagophila eburnean), une espèce menacée, se trouve sur l’île d’Ellesmere, près des eaux du Nord. La Mouette blanche et la Mouette de Sabine sont des espèces particulièrement importantes à surveiller et à protéger, car leurs populations sont très réduites au Canada et au Groenland.
- Les zones côtières (c.-à-d. les embouchures de fleuve, les falaises, les fjords et les bords des glaciers) et l’environnement de la limite de dislocation des glaces à proximité des collectivités sont particulièrement importants pour la chasse locale d’espèces de subsistance, comme le narval, le morse, le phoque annelé, l’ours polaire et divers oiseaux de mer. L’omble chevalier (Salvelinus alpinus) est une importante espèce de subsistance et les stocks présents dans plusieurs cours d’eau entourant les eaux du Nord utilisent le milieu marin pendant les mois d’été (de juillet à septembre).
- On prévoit que les répercussions les plus importantes sur l’écosystème des eaux du Nord seront dues aux changements climatiques. On observe déjà des changements locaux, notamment des phénomènes météorologiques extrêmes, une transition vers une couverture de glace plus mince et mécaniquement plus faible dans le détroit de Nares (augmentation des déplacements de la glace de mer dans cette région), la formation moins prévisible de polynies, des changements dans l’emplacement et la durée de la prolifération du phytoplancton, la fonte des glaciers et la hausse des niveaux d’eau (érosion du littoral).
Le présent avis scientifique découle de la réunion d’examen par les pairs régional qui s’est tenue du 22 au 24 janvier 2020 en vue d’examiner l’aperçu biophysique et écologique de la polynie des eaux du Nord et des zones adjacentes. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada (MPO).
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