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Revue de la littérature scientifique concernant les effets environnementaux potentiels de l'aquaculture sur les écosystèmes aquatiques - Volume 4

Interactions trophiques entre les poissons marins sauvages et d'élevage

M.R.S. Johannes
Pêches et Océans Canada, Sciences, Région du Pacifique, Station biologique du Pacifique, Nanaimo, Columbie-Britannique V9T 6N7

Sommaire

La présente revue de la littérature porte sur les interactions trophiques entre les poissons marins d'élevage et les populations de poissons sauvages afin de déterminer l'état des connaissances sur le sujet et de cerner les lacunes à combler en matière de recherche. Trois questions sont au cœur des discussions sur le sujet : Quel est l'effet de la prédation par les poissons en cage sur les poissons sauvages et les proies disponibles? Est ce que les sites d'élevage attirent les poissons sauvages et ont ils une incidence sur la productivité de ceux-ci? Quels sont les effets de la prédation et de la concurrence par les poissons d'élevage évadés sur les populations de poissons sauvages locales et régionales?

De récents examens de l'aquaculture ont mis en évidence les effets de cette activité sur les écosystèmes et ont traité de façon générale de l'attrait que les sites d'élevage exercent sur les poissons sauvages ainsi que des effets de la prédation et de la concurrence par les poissons en cage et ceux qui s'en évadent. Aucun examen détaillé n'a toutefois été réalisé sur le sujet. La majorité des études a porté sur les interactions génétiques et comportementales entre les évadés et les poissons sauvages, ou encore sur l'attrait qu'exercent les sites d'élevage sur les poissons sauvages. Peu de travaux empiriques ou expérimentaux directs ont été effectués afin d'aborder ces questions, et il existe une lacune dans les connaissances sur les écosystèmes marins tempérés du Nord, y compris ceux au Canada.

La littérature indique que les poissons d'élevage peuvent avoir des effets mesurables sur les poissons sauvages ou les proies sauvages disponibles par le biais de la prédation, de la concurrence et de l'attraction. Ces effets peuvent survenir à l'échelle locale (sites d'élevage et écosystèmes) et, potentiellement, à l'échelle régionale. Bien que ces effets varient en ce qui concerne les trois questions susmentionnées, ils sont généralement interreliés par le biais de la nature et de la productivité de l'écosystème environnant (c. à d. conditions chaudes et milieu oligotrophe à eutrophe; conditions fraîches et milieu oligotrophe à eutrophe), du nombre de poissons d'élevage, des espèces concernées, du nombre de sites d'élevage et de la distance de ceux-ci par rapport aux concentrations de poissons sauvages. Il n'existe qu'un nombre limité de documents disponibles sur ces sujets, et il est par conséquent difficile de quantifier la pertinence et le risque associés aux conséquences des interactions trophiques entre les poissons d'élevage et les populations de poissons sauvages.

Seules quelques études ont porté sur les effets de la prédation par les poissons en cage sur les poissons sauvages, et celles terminées à ce jour ont été effectuées dans des écosystèmes marins en Colombie Britannique. Les résultats de ces études indiquent que les saumons en cage consomment peu de poissons sauvages et de plancton et que cette interaction varie en fonction des espèces de saumon élevées, de la saison et du site d'élevage. Les poissons d'élevage consomment peu de poissons sauvages et de plancton, mais leur comportement et leur choix de proies sont semblables à ceux des poissons sauvages. Les études reposaient sur des observations et n'ont pas examiné en profondeur les effets de la prédation par les saumons en cage sur les proies sauvages. Les études qui seront menées ultérieurement au Canada devraient comprendre un modèle expérimental afin d'évaluer les effets de la prédation par les poissons en cage sur les poissons et les proies sauvages ainsi que de déterminer la variation des effets potentiels en fonction des espèces en cage, de la saison et de la distance entre les sites d'élevage et les populations de poissons sauvages.

Quelques études ont été menées dans des écosystèmes marins tempérés du Nord afin d'examiner l'attrait que les sites d'élevage exercent sur les poissons sauvages. Les résultats de ces études indiquent que les poissons sauvages utilisent les sites d'élevage comme récifs ou abris artificiels et que ces sites constituent un lieu d'alimentation de prédilection en raison de l'excédent de granules de nourriture, des déchets organiques des fermes et de l'abondante macrofaune présente sur place ou à proximité. Les résultats indiquent également que les densités de poissons sauvages sont de une à dix fois plus élevées près des sites d'élevage en milieu nordique tempéré et frais en raison de l'attraction à l'échelle locale, mais que la biodiversité globale des communautés de poissons sauvages varie peu à ces sites. Les hausses sur le plan de la densité, de la taille des populations, de la structure d'âge et de la biodiversité globale des communautés à proximité des sites d'élevage en milieux pauvres en éléments nutritifs et aux conditions plus chaudes indiquent qu'un nombre plus élevé de poissons sauvages sont attirés par ces sites. D'autres études sont nécessaires au Canada afin d'examiner l'attrait qu'exercent les sites d'élevage sur les populations et les communautés de poissons sauvages et de déterminer les degrés d'interaction. Ces études devraient comprendre l'utilisation d'espèces indicatrices appropriées pour déterminer les degrés d'interaction.

Il existe une quantité limitée de données sur le nombre, la répartition à l'échelle locale et le comportement d'alimentation des poissons d'élevage évadés ainsi que sur leurs interactions possibles avec les poissons sauvages. De nouvelles études sont nécessaires pour quantifier les interactions possibles entre les évadés et les populations de poissons sauvages ainsi que les effets potentiels des évadés sur celles ci. La littérature montre trois types d'interactions possibles. Les densités élevées d'évadés sont associées négativement à l'abondance et à la diversité des poissons sauvages, et les évadés sont d'abord des concurrents et ensuite des prédateurs. Les densités faibles d'évadés ont des effets non concluants sur les poissons sauvages, mais les évadés adoptent un comportement d'alimentation semblable à celui des poissons sauvages. Finalement, les espèces d'élevage exotiques, par opposition aux espèces d'élevage indigènes, montrent des différences sur le plan du comportement d'alimentation. Il existe une lacune dans les connaissances sur la relation entre la densité, la survie et l'alimentation des évadés et les populations de poissons sauvages à proximité des sites d'élevage.

Cet état des connaissances devrait être intégré à une évaluation globale des risques que présentent les poissons d'élevage pour les populations de poissons sauvages (résultats des examens antérieurs) afin d'établir les priorités en matière de recherche et d'élaborer de nouvelles approches de gestion.

Lacunes dans les connaissances

  1. De nouvelles études sont nécessaires afin de déterminer si les poissons marins en cage (saumon et autres espèces de poissons d'élevage, telles la morue charbonnière, la morue et le flétan) se nourrissent de poissons sauvages de populations locales et de plancton. Ces études devraient examiner l'échelle d'influence locale et régionale entre les poissons d'élevage et les populations de poissons sauvages afin de déterminer la pertinence de cette interaction.
  2. De nouvelles études sont nécessaires afin de déterminer le degré et le type d'attraction qu'exercent les sites d'élevage de poissons marins sur les poissons sauvages au Canada.
  3. Des études sur les évasions de poissons d'élevage sont nécessaires afin d'établir des relations entre les causes des évasions et leurs effets, à l'échelle locale et régionale, sur les poissons sauvages et leur écosystème.
  4. Une surveillance attentive et la préparation de rapports d'incident sont nécessaires pour établir clairement le moment des évasions, le nombre d'évadés, les espèces concernées et l'état des évadés.
  5. La plupart des études menées à ce jour ont été de nature empirique ou ont reposé sur des observations et n'ont comporté que peu d'expériences. Des approches expérimentales ou adaptatives devraient être prises en considération afin de soumettre des populations de poissons sauvages à une gamme de niveaux d'exposition au risque lié aux poissons d'élevage de manière à tenir compte de l'évolution des connaissances.
  6. Une nouvelle étude est nécessaire afin de comparer le régime alimentaire et les habitudes de consommation des saumons en cage, évadés et sauvages en fonction de la distribution des proies disponibles et des conditions dans le milieu marin.
  7. Le choix des priorités de recherche aux fins d'étude des interactions entre les poissons sauvages et les poissons d'élevage devrait être fondé sur le niveau de risque perçu pour les populations de poissons sauvages et les écosystèmes locaux. L'objectif de cette recherche devrait être d'évaluer et de quantifier le risque.
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